Arrêt 2

Et si, simplement, nous voyagions ?

Et si, simplement, nous voyagions ?

« Tu vois, mon prochain voyage… Enfin quand je dis voyage, je parle plus d’une… quête, d’un trip un peu intérieur, tu vois ? Je veux renouer avec l’essentiel et revenir vers la base, dans une logique transversale… Aller à la rencontre des autres… Me focaliser sur l’être plutôt que le paraitre… Je vise l’authenticité la plus pure dans une recherche de l’Humain, dans une démarche éthique, responsable, citoyenne et volontaire. Oui, je sais que ça peut paraitre bizarre mais j’assume ma différence… Je m’inscris dans une mouvance de la lenteur érigée en mode de déplacement raisonnable. Ah… Tu connais… Oui mais non, tu es un touriste toi… Pas vraiment un voyageur… Je crois que tu pars en vacances quand je voyage… Tu peux pas comprendre… Ah… Je vais où ? Dans un Village Vacances de la Côte d’Azur, pourquoi ? »

Vous trouvez cette tirade drôle, stupide, improbable ? Vous pensez qu’elle est le fruit d’un doux délire nourri par le généreux soleil estival ? Vous croyez ne jamais entendre, lire ou écouter ces mots ? Je me gausse, je rigole, je me marre car,  en 2016, le voyage n’existe plus, tout simplement. Il est devenu quelque chose d’autre, vivant sous une multitude d’appellations aussi absconses qu’incompréhensibles. Tout est classé, trié, emballé, étiqueté et il convient de ranger dans la bonne case ce qu’on s’apprête à faire, pour ne pas passer pour le leader des Has-Been 2.0 (si tant est que vous ayez quelque chose à en faire, ce qui est loin d’être évident).

J’avoue que je ne suis pas le dernier à le faire alors que je m’en plains ouvertement ici. Je saupoudre généreusement chacun de mes voyages de quelques hashtags bien choisis : #CityTrip, #FamilyTrip et autres #BlaBlaMachin. Pourtant, à mieux y réfléchir, je ne devrais pas. Je devrais simplement me contenter de dire « Je pars en voyage ». Rien de plus ni de moins. Je devrais renoncer au plaisir sournois de m’auto-classer parmi mes comparses et de m’y sentir en bonne compagnie.

Cependant, aujourd’hui, je ressens une certaine fatigue, une grosse lassitude devant toutes ces formulations, devant toutes ces appellations, devant toutes ces tentatives de labelliser quelque chose d’aussi simple et d’aussi beau qu’un voyage.  Quelle que soit la forme adoptée pour partir, cela n’est plus un voyage, c’est une quête, un trip, une épopée, une chasse vers l’ailleurs. De même, vous ne partez plus en camping, vous allez faire du glamping, du campong, de la résidence temporaire estivale, de l’alternatif décalée éco-responsable. Vous n’êtes de même plus un touriste (bien que je pense que nous en sommes tous en réalité) mais le maillon consomm’acteur d’une stratégie de reconquête authentique de la culture populaire. Rien n’échappe à cette frénésie. Rien.

Cela va encore plus loin car cela apparait aussi dans les récits, témoignages et histoires. Pour moi, Il y a une très nette différence entre exprimer un ressenti profond et personnel après une expérience fabuleuse et vouloir à tout prix rentrer dans une quelconque case. Ainsi, pour illustrer mes propos, je prends un exemple tout simple : pendant mes 7 mois en Nouvelle-Zélande, je me suis déplacé en stop, j’ai dormi dans des auberges et j’ai fait du HelpX. Il n’y avait aucune logique spécifique derrière ce trio, aucune volonté de limiter mon impact environnemental, d’aller vers l’authentique ou autre. Simplement une notion de plaisir et de volonté personnelle. Un voyage pour ma gueule, formaté selon mon plaisir et surement pas une épopée initiatique visant à me sortir de ma zone de confort ou à affronter ma peur ou a me confronter à ma lâcheté de voyageur.

Alors aujourd’hui, en 2016, je milite pour un retour aux sources. Revenons à l’essentiel, à la simplicité. Arrêtons donc de pontifier, de créer de la Novlangue, de voir des nouvelles tendances partout, de vouloir bâtir des châteaux de vent sur du vide. Contentons-nous de faire ce que nous savons faire et ce que nous avons la chance de pouvoir faire : voyager. Et si d’aventure, vous vouliez vraiment faire quelque chose de votre voyage, foncez lire Latourex. Vous devriez y trouver votre bonheur !

  1. au risque d’être avant-gardiste : j’ai toujours voyagé que pour ma gueule, enfin nos gueules ! et on continue avec nos pépettes … j’ai du mal à comprendre qu’on puisse voyager pour quelqu’un d’autre, en pensant « ça ce serait plus bankable que ça, etc. » , mais je suis un peu naïve sur le sujet, tu le sais 🙂
    Toutefois, en « vacances », je hashtag de temps en temps une photo mais c’est surtout pour signaler à @ChachaAventurière que je suis toujours vivante sinon elle s’inquiète 🙂

  2. Oui à l’authentique. Oui à la non labelisation de nos voyages. Oui nous ne sommes que des touristes. Mais non parfois malgré tout. Si le voyage peut servir à certains de thérapie pour affronter leurs peurs, comme ce fut le cas pour moi, alors oui, on peut parler de voyage initiatique. On est bien d’accord, il ne sert à rien d’aller en Inde parce que cousin Michu y a fait une découverte majeure et en est revenu changer. Peut-être que pour quelqu’un d’autre, ce sera dans le Larzac. Mais je crois au pouvoir du voyage. Je ne crois pas qu’il soit vain et qu’il faille toujours le prendre comme un loisir. Il prend la tournure qu’on veut bien lui donner, comme la vie en somme, et c’est surement ce qui fait que toi comme moi, ne cessons d’y retourner. Oui donc au voyage protheiforme et sans jugement, de la simple farniente en famille à l’aventure non exceptionnelle d’une vie.

  3. Le développement des réseaux sociaux est à l’origine de tous ces nouveaux codes …on s’affiche, on veut afficher son style … se classer dans une catégorie… Je ne connais pas la moitié des termes que tu cites, je suis vraiment déconnectée ceci dit !(enfin connectée à tous ces réseaux mais déconnectée sur le fond !) difficile de commenter plus de mon petit portable en voyage ici ;)!

  4. C’est quelque chose que je ne comprends pas, le besoin de mettre une étiquette avant même d’être parti. Envie de correspondre au regard des autres ? de se glorifier ?
    à moins que ce soit juste mon incapacité à m’organiser, à planifier trop à l’avance, qui fait que je peux dire ce que je vais faire quand d’autres le savent très précisément.
    D’un autre côté, je n’aime pas le mot « voyage » qui m’intimide, je lui préfère « balade » et ma fille préfère « aventure ». Bref, je pose mes propres étiquettes finalement.

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