Une baffe appelée Nunavik

Une baffe appelée Nunavik

Devant moi, l’immensité glacée du grand nord québécois. Tout autour de moi, des montagnes et un corridor qui s’enfonce en elles. Sous moi, la glace, solide, dure, bétonnée. Au-dessus de moi, un ciel azur, pur, vierge de tout nuage. L’horizon est dégagé, l’air incise les poumons à chaque respiration et le vent mord profondément à chaque rafale. Souffrance. Bonheur. Isolement. Béatitude.

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La rivière Toruk dans le parc Kuururjuaq

J’évolue dans un univers où la cohabitation est primordiale. Nul, ici, ne peut imposer ses règles sous peine de se voir opposer un refus net, définitif, absolu par la propriétaire ancestrale des lieux : Gaïa, Mère Nature, notre Terre. L’homme, qui a fait de cette région son habitat, a appris à évoluer, à vivre en harmonie avec elle. Des millénaires ont forgé des traditions, un savoir-faire, une culture. Mes pas sont hésitants. Je suis plus que je ne suis. J’hésite, je balbutie, je ne prends pas d’initiatives. Je me sens presque comme un intrus, un élément parasitaire. Tout me fait dire que je n’ai pas ma place ici, que je dois la mériter. Subir et agir. Se refroidir. Se réchauffer. Apprendre des autres et tirer parti de chaque opportunité d’apprentissage. Les petits riens font tout. Et « tout » est précisément ce qu’il me faut acquérir auprès de ceux qui savent. Qui ont vécu. Qui vivent.

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Au contact du Nunavik, du parc national de Kuururjuaq et de la rivière Turok, dans la communauté de Kangiqsualujjuaq et dans la ville de Kuujjuaq, j’ai ouvert les yeux sur quelque chose. En écoutant, en échangeant, en partageant des moments d’exception avec les autres, j’ai appris, noté, enregistré. Je me suis émerveillé devant des chants de gorge. J’ai écorché des lagopèdes à mains nues et j’ai mangé leurs reins crus, saignants, délicieux. J’ai vu des animaux vivre et tomber. J’ai vu la chasse, inévitable, la vie et la mort à l’œuvre. J’ai vu mes repères d’homme occidental s’en aller au loin.

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Je me suis pris aussi une baffe grandeur Nature. Une gifle. Une claque. On dit souvent que le voyage change un Homme. Ce cliché a été traité sous toutes les formes. Analysé. Débattu. Discuté. Affirmé. Réfuté. Je sais, avec toute la puissance de ce verbe, que c’est vrai. Je sais qu’un voyage peut changer quelqu’un en profondeur. Le faire réfléchir. Penser. Prendre conscience de sa petitesse en regard du Tout.

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Dans ce désert blanc du Nunavik, j’ai découvert un plaisir que je croyais oublié. J’ai retrouvé des sensations enfouies là, quelque part, dans un abysse profond et obscur dont je ne croyais pas connaître le chemin d’accès, que je pensais à jamais enfoui. Évaporé. Formaté. En voyageant, je n’ai pas seulement découvert un monde de glace, de froid, de neige. Je n’ai pas seulement rencontré des hommes et des femmes exceptionnels, dont le souvenir me marquera à jamais. Je n’ai pas seulement réalisé une épopée d’exception, au-delà de bien des choses. Je me suis surtout perdu, égaré. J’ai laissé derrière moi bien des choses que je pensais primordiales, essentielles, importantes.

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Aujourd’hui, en écrivant ces lignes sur mon ordinateur, je ferme les yeux et je revis, par procuration, les moments dont je vous parle. Je vagabonde au gré des souvenirs, des émotions. Je tente d’expliquer, de faire passer un message. Je laisse l’écriture couler comme la rivière sous la glace. Je laisse les mots venir et s’empiler. J’essaie, simplement, de vous dire quelque chose. Je cherche. Je tourne en rond. J’efface, je déplace et je remets en place. Plaisir d’offrir. Bonheur de recevoir.

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Bientôt, je vous raconterais l’histoire d’Emily, dont les parents ont abandonné le nomadisme pour créer une communauté. Je vous parlerais des chiens abattus. Des larmes qui coulent. De la fin d’un mode de vie. Mais ce sera plus tard. L’heure est au rappel. Au voyage. Aux remerciements.

Ullukkut Nunavik !

Ce voyage a été réalisé dans le cadre d’un partenariat entre la Team Givrés et Tourisme Autochtone Québec. Cela n’influe en rien sur ma production éditoriale et ne m’engage à aucun traitement de faveur spécifique, parti pris ou publi-rédactionnel.