La place des Héros à Arras

Un ch’ti trio : Arras, Lens, Béthune.

Errances arrageoises

Arras ?
Arras !

La question s’était posée il y a quasiment un an, lors de notre premier voyage à deux têtes et quatre bras, à destination du pays des Terrils, des Terribou et Terrisson, lorsque nous ne plaquâmes rien pour aller découvrir Lens. Comme cette expérience avait été assez exceptionnelle, nous avions hâte, avec Fils, de la renouveler et de parcourir à nouveau les Hauts-de-France, à la recherche de ces villes dont on se dit toujours “Tiens, et si…” et où, en réalité, on ne met jamais les pieds, toujours plus occupés à chercher les derniers bons plans pour des voyages européens à bas coût (à défaut d’aller à Bakou, ce qui est une autre histoire).

Du coup, Arras ?

Oui, Arras. 40 000 habitants et préfecture du Pas-de-Calais (absence nominale étrange qui constitue une seconde histoire à vérifier d’ailleurs). Pour y aller, ce fut simple comme un bonjour, limpide comme un pinte de Chti et efficace comme un américain à la Loco après un match à Bollaert. Rien d’autre à faire que d’acheter deux allers en TER (avec ma belle, magnifique et exceptionnelle Carte Enfant Plus dont je pleure la disparition chaque jour) et que de dire à Fils : “Tu viens, on s’en va à Arras”.

Nous passâmes, en terre arrageoise, une journée et demie environ. 36 heures bien tassées pour une première approche pleine de surprises, de découvertes et de satisfactions des plus variées car, Messieurs et Madames, à Arras, en 36 heures et avec un enfant de 3 ans, vous pouvez :

1) Manger de la poutine.

C’est presque la toute première chose que j’ai vu (en faisant abstraction du chemin parcouru entre la Gare et la Grand Place) : un restaurant de Poutine. Oui, de Poutine. Ce plat merveilleux tout droit venu d’outre-Atlantique et qui consiste en de sublimes frites recouvertes d’une délicieuse sauce brune accompagnée d’un fromage goûtu qui fait KWIK KWIK sous les dents à chaque bouchée. Cela se trouve au 8 rue de la housse, c’est tenu par un français qui s’est lancé récemment et, vu la fréquentation, c’est une belle réussite !

2) Vous croire à Londres

Une cabine de téléphone londonienne en-dehors de Londres est toujours une source d’interrogation(s), voire même de suspicion(s) (oui, Perfide Albion, c’est à toi que je parle). Quand, en plus, cette cabine téléphonique se trouve à Arras, c’est comme agiter un chiffon rouge devant un taureau : on fonce vérifier ce que cela peut-être et constater, en l’occurrence, qu’il s’agit d’une boite à livres.

3) Prendre des bus électriques et gratuits

Deux lignes de bus électriques gratuites, qui sillonnent le centre-ville de 7 heures à 19 heures, toutes les dix minutes et qui permettent de se déplacer où on veut (presque) et comme on veut (presque), vous en rêviez ? Et bien Arras l’a fait, pour mon bonheur absolu (et celui de Fils, fasciné qu’il est par tout ce qui roule). Il m’a fallu d’ailleurs demander à deux reprises aux conducteurs pour être sur de ne pas faire de boulette: “C’est gratuit ? Genre… gratuit, gratuit ?”.

4) Célébrer la nature à la Cité éponyme

Après presque quatre années à voyager avec Fils, j’ai tiré une leçon essentielle de nos pérégrinations : toujours repérer quelque chose pour lui en amont : parc, musée, jardin ou fabrique de nounours en pelure de carottes. Quelque chose qui soit adapté, de son âge et où il puisse s’extasier en toute liberté, s’éclater, s’amuser, courir, rire, pleurer, gigoter ou encore courir, marcher, rebondir, sauter. Bref, un endroit pour les enfants, comme la Cité de la Nature à Arras, par exemple ! Un grand bâtiment pas loin du centre-ville (accessible en bus, bien entendu), avec un rez-de-chaussée plein de vitrines et un étage rempli de DEUX expositions temporaires aussi fifolles (© Solcito) l’une que l’autre. La première se fait sans chaussures et sollicite, tout le long d’un parcours, les cinq sens. Nous l’avons parcouru plus de fois qu’il n’y a de sens (version Saint Seya pour les puristes, dans les deux sens (et sans être pour autant à Sens). La seconde concerne les pommes de terres et propose d’apprendre tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur icelles, se concluant magnifiquement sur une friterie géante, avec frites, tabliers, cornets… le tout pour permettre aux p’tiots de s’éclater. Et si d’aventure, vous n’en aviez pas assez, foncez faire un tour dans le jardin !

5) rigoler en disant “Autant en emporte Vauban”

Connaissez-vous Vauban ?

Un stratège, un architecte militaire dont les forteresses sont joyeusement éparpillées tout au long du territoire hexagonal. Ce cher monsieur se faisait un plaisir de déployer moult trésors d’ingéniosité dans le but suprême de pouvoir pilonner, tirer, viser, débusquer et dégommer l’ennemi (présumé) sans que la réciproque ne puisse devenir réalité. Du coup, cela donne, comme à Belfort, des monstres étoilés aux mille et une astuces ou, comme à Arras, un vaste espace ceint de murailles, reconverti en une très jolie zone d’activités (je crois) où il est possible de se promener entre d’anciennes casernes, une salle résumant l’histoire des lieux et une magnifique porte d’entrée où paissent, paisibles, de magnifiques tondeuses à gazon 101% certifiées bio (autrement dit : des chèvres). Ne ratez pas, à droite après le tunnel et à côté de la Chapelle, le Timescope, une sorte de film interactif assez bien foutu qui permet de revivre, in situ, l’évolution de la Forteresse. Si vous avez l’occasion, essayez donc d’organiser une visite guidée ou de venir documentés, vous vous trouverez probablement moins dépourvu que moi (mais la balade sur les remparts est chouette et il y a possibilités de faire plein de randos à côté). Notez au passage que les remparts de la Citadelle sont l’un des lieux d’Arras inscrits au Patrimoine Mondial de l’Unesco (l’autre étant le Beffroi).

6) Voir des (très) belles choses

Soyons honnêtes, se promener dans une ville moche (si tant est qu’une ville moche puisse exister, ce qui ferait d’ailleurs un excellent sujet de Bac à lauréats) ne présente que peu d’intérêt. Heureusement, Arras n’est pas moche, loin s’en faut. Au contraire, elle présente même cette beauté des villes du nord que j’aime tant. De belles façades, un beffroi, deux (oui, DEUX) grandes places dont l’une piétonne et l’autre avec des arcades, des rues piétonnes, un musée des beaux-arts (et sa très, très photogénique entrée) ainsi que tout plein de maisons plus attirantes les unes que les autres (à condition, donc, d’aimer l’architecture des villes du Nord, bis). Mon petit conseil : traînez donc vos guêtres et poussettes sur la place des Héros aux heures où se couche le soleil, se vident les pintes et s’emplissent les estomac. Le spectacle du Beffroi obscurcissant l’astre est de plus ravissants. Enfin, laissez-donc errer vos yeux un peu partout : vous trouverez, au gré des arrêts, un peu de street-art, le chemin vers Saint-Jacques, la maison de Robespierre, un beffroi par-dessus les maisons, un beffroi par-dessus les arcades, un beffroi dans l’axe d’une rue (et bien d’autres qu’un beffroi, en réalité).

La grand place d'Arras

7) Bien manger

Une nourriture saine, légère, cuisinée avec amour et qui ne coûte pas (si) chère, c’est possible et cela se trouve à Arras, non loin des arcades : l’Entre Nous (43, grand place). Nous y sommes allés avec Fils, avons été reçu avec une grande gentillesse, conseillés avec autant de professionnalisme et sommes ressortis avec le sentiment du devoir accompli (autrement dit : on a super, super bien mangé). Si vous n’êtes fan ni des restaurants ni des poutines (si c’est possible, je n’ose en tout cas le croire), sachez que l’on trouve moult échoppes un peu partout proposant, pèle-mêle, gaufres, pizzas, friterie, recettes du nord et autres plats propres à blinder même l’estomac le plus rétif, pour toutes les bourses et tous les appétits !

8) Bien dormir

A un jet de frites de la cathédrale (et à cinq minutes sur les mains de la Gare), une jolie chambre d’hôtes toute en verticalité, avec ses belles chambres et son adorable hôtesse : la Clé des Places. Le petit-déjeuner est très bon, l’accueil des plus courtois et on y trouve exactement ce dont on a besoin lorsqu’on voyage en famille à Arras !

9) Projeter d’y retourner

Pour des festivals, pour saluer les géants, pour remanger de la poutine (oui, encore), pour se promener à nouveau, pour retourner dans le grand jardin et le petit square. Parce que ce n’est pas loin de Paris et pas si cher en TER.


Lens, les retrouvailles antiques

Retourner à Lens, bien plus qu’un passage quasi obligé, c’était avant tout un honneur, un privilège, un plaisir. Bien que nous connaissons désormais (plus ou moins) la belle cité minière, mon attention avait été attirée par une exposition organisée au Louvre-Lens et consacrée à l’auteur d’un sacré best-seller : Homère. Ce charmant grec, si vous ne le connaissez pas, a écrit, tout simplement, l’Iliade (un récit de guerre) et l’Odyssée (un récit de voyage). Autant vous dire qu’il était hors de question de ne pas foncer ventre à terre et bouche béante découvrir les œuvres et la scénographie de l’exposition. Cette case inscrite en gros, gras et noir sur notre planning était d’ailleurs la seule chose réellement organisée de tout notre séjour (parce que nous aimons cela).

L’exposition Homère

Premier point : si vous ne l’avez encore visitée, foncez : l’exposition Homère se termine ce mois-ci. Pour le reste, si vous êtes fans d’Antiquité, de récits dithyrambiques et de la statuaire classique de cette région du monde, vous serez aux anges. Pour les béotiens, curieux et autres touristes de passage (ceci est un compliment), le passage reste pour autant très conseillé. Le choix des œuvres et leur mise en scène permet un très chouette voyage à travers le temps, bien qu’un peu ardu pour les plus jeunes. D’ailleurs, je crois que l’Odyssée que j’ai vécu avec Fils, fatigué et grognon, aurait pu inspirer quelques lignes au Divin Aède. En tout cas, en prenant le temps de discuter avec lui devant les scènes les moins sanglantes et en retraçant les grandes lignes du voyage d’Ulysse, le navigateur cyclophobe, j’ai quand même réussi à susciter son attention (même si sa théorie à propos de la présence de chevaliers en armure de fer sur les rivages de Troie reste un tantinet avant-gardiste, voire même légèrement hérétique).

Le reste du Louvre-Lens est à l’avenant et c’est avec grand plaisir que nous avons remarché sur nos propres pas, le long de la toujours aussi délicieuse (et gratuite) Galerie du Temps, cette pièce démesurée ayant pour but de fusionner temps et espace en un seul endroit et qui aide à visualiser le flux implacable des siècles.

Dormir dans les corons

Au nord, il y a les corons. Certes, c’est un fait établi, chanté et totalement indiscutable. Pour autant, savez-vous ce que sont ces corons ? Si tel n’est pas le cas, sachez donc qu’il s’agit de l’Hôtel Louvre-Lens et qu’il est désormais possible d’y dormir, dans un cadre luxueux et rénové, à un jet de frites du LL (qui se trouve juste en face). Accueil très professionnel, boulot de restauration des lieux impeccable et chambre parfaite au regard de la prestation attendue. Il parait que les petits-déjeuners sont du même acabit mais la vérité m’oblige à vous dire qu’en raison d’une obscurité parfaite, Fils et moi avons roupillé jusqu’à 11.52 et n’avons du notre salut alimentaire qu’à la gentillesse du staff, qui a réussi à dégoter café, croissant et chocolat chaud au bar et qui n’a guère fait de réflexion devant ma tronche enfarinée et totalement à l’ouest. D’ailleurs, si je n’avais pas eu un soubresaut, je crois que nous serions toujours en train d’y roupiller. Dernier élément que je souligne avec grand plaisir : il y a un babyfoot ET un coin activité pour les enfants au Bar // Restaurant de l’hôtel. Bref, une adresse efficace et abordable (115€ à deux pour un hôtel 4*) bien qu’un tantinet éloignée du centre (accessible en quinze minutes à pied…).

Et sinon, Lens, ce fut…

Les retrouvailles de Fils et de Flo, ce genre de rencontre qui te fait aimer ton boulot et te rend heureux de pouvoir en faire profiter ta famille. Une vraie oasis d’humanité. Les nouveaux bureaux de Lens-Liévin Tourisme : WAHOO. Un apéro Bière-Fromage pas du tout prévu dans un immeuble Art-Déco et un chouette petit moment avec les Millet du 62. L’Américain supplément Maroilles de la Loco. Dans mon top 5 de la bouffe hexagonale. Fils en pleurs, inconsolable, parce que le restaurant avec la moto en devanture était en train de fermer. Une longue marche nocturne pour retourner à l’hôtel, dans la ville et le bois endormi. Un match de cricket (!!!) sur le parking proche de Bollaert et un sourire de connivence d’un des joueurs. Cela ne m’était pas arrivé depuis la Nouvelle-Zélande et une histoire improbable de couchsurfing annulé en dernière minute. La vue des terrils en arrivant d’Arras et une envie folle de faire de la grimpette. Un restaurant associatif où il y a un arbre creux pour les enfants: l’Autre Estaminet. Simplement génial. Une discussion ubuesque avec un contrôleur à qui j’explique vouloir mordicus passer par Avion et qui finit par m’indiquer où se trouve la Gaillette. Voir que le bar avec le pirate devant semble avoir fermé. Jouer au jeu de piste entre la gare et les bureaux, en suivant le marquage au sol. Un réveil au bout du bout de la matinée, une sortie sous la pluie, une attente sous un pont et une montée homérique dans le premier TER venu à destination de Béthune, avec une course effrénée dans les rues et un billet acheté en catastrophe depuis le téléphone : le voyage que j’aime.


Béthune, l’invitée surprise

Le Karma du voyageur, y croyez-vous ? Quand une impitoyable combinaison où se mêlent allègrement mauvais temps, bruine du nord, réveil à la bourre et planning vide débouche finalement sur une demie-journée splendide ? C’est exactement ce que nous avons vécu à Béthune, où je n’avais strictement jamais prévu de foutre le moindre centimètre carré du moindre orteil mais qui, en les circonstances précédemment décrites, présentait deux avantages majeurs : être proche de Lens et être la première ville accessible en TER depuis la gare éponyme.

En toute honnêteté, l’arrivée m’a fait dubiter et (presque ) regretter d’être partis sur un coup de tête. Une esplanade vide, un buste de François Mitterrand, un temps aussi maussade que l’humeur de fils. Doucement, presque à reculons, je repère un itinéraire pour aller au centre de ce monde (comprendre la Grand Place), en gardant en tête les horaires des prochains trains pour Paris. Nous avons dans des rues désertes. La pluie tombe sur la capote de la poussette, je croise une voiture, un fleuriste et un bar fermé.Impression de la fin de l’Univers. Puis, au bout d’une montée, là-bas à gauche après le rond-point, se dessinent quelques lignes et, tout d’un coup, nous arrivons devant un beffroi, devant lequel campent quelques étranges tentes et où se reposent un âne, des moutons, des lapins, un manège et une foire dédiée à la gastronomie des Hauts de France.

* CLIC *

Les yeux s’ouvrent et se focalisent sur l’environnement.

* CLIC *

Le cerveau se met en marche et tente d’assembler les éléments de l’équation : Animaux + carriole + manège = Fils heureux sur Foire de Bouffe = fromage et bières et gâteaux = Papa heureux, le tout avec le facteur (Béthune + Béthune)².

* FLOUSH *

Les neurones abandonnent et l’on décide unanimement de foncer voir l’âne, le manège, l’atelier plantage de tournesol, les lapins et tout le toutim (mais pas forcément dans cet ordre).

Dès lors que s’est-il passé ? Un remarquable enchaînement qui a vu fils se promener en carriole (donc) autour de la Grand Place puis planter des graines de tournesol dans un pot avant d’aller gaillardement chevaucher les chevaux du (superbe) manège en bois. Immédiatement après, j’ai décrété que l’Appel de la Foire était trop fort et, alors que nous n’aurions du y rester qu’une poignée de minutes, nous y avons passé presque deux heures pleine, à discuter, goûter, échanger, manger, baffrer, ripailler, déguster, boire (et tout le champ lexical autour de la nourriture). Mon sac à dos s’est vu charger avec des bouteilles de jus de houblon local, des bouteilles de jus de pomme (et de poire), une tarte au maroilles, des saucissons au maroilles, du maroilles, du jus de houblon (encore) et j’en passe et des meilleurs. Bref, ce qui n’était au départ qu’un choix par défaut s’est transformé en extraordinaire concours de circonstances des plus délicieux et la seule personne mise au régime cet après-midi là a été ma carte bleue (que je devrais dégainer avec moins d’entrain par moment).

De Béthune, au final, nous ne vîmes réellement que quelques façades, un beffroi fermé, une foire et des animaux mais je crois vraiment qu’il va falloir que nous y retournions tantôt. Juste pour vérifier si, par le plus grand des hasards, il n’y aurait pas une petite, toute petite, autre foire sur place !

Cette saison 2 de #UnChtiTrip a été organisée avec le support logistique d‘Arras Pays d’Artois et Lens Lievin Tourisme. Un immense merci à eux. Comme d’habitude, le contenu éditorial ne se trouve nullement affecté par cet apport et reste totalement mien.