Changer ou disparaitre: le futur du PVT Canada

A l’heure où la couverture médiatique, aussi frénétique qu’inattendue, commence doucement à se calmer, des premières questions légitimes apparaissent quant au futur de ce permis de travail et, d’ores et déjà, une conclusion s’impose:

Dans son modèle actuel, le PVT est condamné.

Loin d’être une quelconque prédiction balancée sans fondements, elle est au contraire la conclusion objective et raisonnée d’une addition de faits.

1) L’accord entre la France et le Canada est tout sauf bilatéral.

En 2011, le ministère des Affaires étrangères a attribué aux jeunes Français 6930 PVT, 4728 permis de stages et 2386 permis jeunes professionnels, sans compter les permis pour les emplois d’été.

Pour ces quelque 14 000 Français venus au Canada, 2780 Canadiens sont partis en France.

Ces données placent la France au premier rang en termes de nombre de visas pour les jeunes, toutes catégories confondues. Pour le PVT seulement, l’Australie la devance, mais très peu d’autres visas sont décernés aux ressortissants de ce pays.

(Source: Radio Canada)

Il n’y a pas besoin d’être diplomate pour lire entre les lignes: cet état des choses ne risque pas de se maintenir et il y a fort à parier que le renouvellement à venir de cet Accord va donner lieu à autant de négociations que de migraines pour rétablir un ordre logique des choses et réinstaurer la parité de fait qui devrait exister.

D’autre part, le parcours d’un canadien venant en France est malheureusement un long parcours semé d’embûches et de tracas administratifs assez improbables. La lecture des messages postés dans la section PVT en France de PVTistes.net me donne l’impression d’habiter dans un labyrinthe démentiel voué à perdre et maudire les étrangers.

2) Le système n’est plus adapté

L’Ambassade a touché du doigt les limites de son propre système.

En instaurant  une fois de plus le trio maudit “Date d’ouverte+ Quota+Dossier Internet”, elle s’est elle-même donné la corde pour se prendre.

Les autres pays participants au WHV ont des quotas roulants ouverts sur une année entière: ils peuvent ainsi gérer et délivrer sans tracas un nombre identique (voire même supérieur) de permis de travail sans avoir à subir le stress et les ennuis inhérents à l’arrivée simultanée de XX XXX² dossiers.

Outre cela, la multiplication (assez effarante) des informations à fournir ainsi que leur exactitude absolue n’est pas de nature à faciliter la tâche des agents de l’immigration, même si cela tend malheureusement à devenir la norme à l’international.

3) V contre T

Est-ce un sentiment unique à cette année, un constat lucide ou un refrain chantonné à chaque nouvelle ouverture ?

Toujours est-il en tout cas que jamais le PVT ne m’a semblé autant être devenu une porte ouverte sur l’immigration, en contradiction flagrante avec le rôle qui lui est attribué à l’article 1 du traité:

Les deux parties s’accordent pour la création d’un programme Vacances Travail destiné à permettre à de jeunes ressortissants de chacun de deux États de séjourner dans l’autre, à titre individuel, dans le but d’y passer des vacances, en ayant la possibilité d’y occuper un emploi salarié afin de compléter les moyens financiers dont ils disposent.

Simple et concise, cette dernière phrase résume ce que doit être le PVT, son but premier et originel.

A l’heure où de plus en plus de personnes s’en servent comme un outil pour du long terme, comme un accessit à la Résidence Permanente, il faut s’interroger sur une éventuelle et inéluctable relecture  de ces termes et où le T de Travail sera entériné comme la raison principale de son existence même, en lieu et place du V de Vacances:

Les deux parties s’accordent pour la création d’un programme Vacances Travail destiné à permettre à de jeunes ressortissants de chacun de deux États de séjourner dans l’autre, à titre individuel, dans le but d’y occuper un emploi salarié, en ayant la possibilité d’y voyager afin de compléter la découverte culturelle et géographique du pays où ils immigrent.”

4) Une immigration saturée

Les oubliés de Buffalo, la fermeture des CSQ, le traitement anarchique des demandes de RP, des quotas qui explosent: le Canada est d’une efficacité redoutable pour se vendre et ils payent aujourd’hui un premier tribut à cette communication autant biaisée qu’effrénée.

Dans une économie de type capitaliste où une main d’œuvre bon marché, vite disponible et apte à faire les métiers “d’en bas”, les PVTistes représentent une manne inépuisable d’opportunités. Cependant, si la situation n’est pas encore la même qu’en Australie (Fruit Picking and co) avec un marché de l’emploi bloqué par la demande temporaire et l’afflux de WHVsers du monde entier, il y aura forcément un contre-coup subit à un moment.

La question est donc de savoir ce qu’il adviendra du PVT lorsque cette politique de la porte entr’ouverte se finira: il est fort à parier que la réponse ne soit pas celle attendue…

Pour ne pas disparaitre, le PVT va devoir subir un profond changement.

L’attente pour 2014 est d’ores et déjà lancée, les projets en cours de création et les démarches entamées. Au vu de ce qu’il s’est passé durant les fameuses 50 heures, cette situation n’a que très peu de chances de se renouveler.

Au moment où une année à l’étranger est devenue un passage quasi-obligatoire, où le voyage devient presque banal et où les jeunes et moins jeunes tentent  l’Expatriation avec un sentiment mêlant désespoir de cause et volonté d’une vie meilleure, le PVT est devenu un symbole fort, moyen le plus simple et le plus rapide de s’essayer à l’Aventure, sous toutes ses formes.

Cependant il n’est clairement plus, dans sa forme actuelle, adapté à la demande et une évolution, aussi radicale que profonde, me semble être la seule solution possible pour le voir réapparaitre l’année prochaine, dans des circonstances et un contexte plus abordables pour tous.

Changer ou disparaitre: tel va être son enjeu.

Mise à jour Mars 2013

Les accords ont été signé ce jour. En lisant un lien fourni par le compte Twitter de PVTistes, je tombe sur cette petite phrase:

De plus, le nouvel accord prévoit un processus de demande simplifié pour les jeunes Canadiens qui souhaitent se rendre en France.

Il faut donc croire que mon analyse n’était pas si fausse !

  1. Je n’ai rien à dire de plus. Ah si : pour moi, ce n’est pas dérangeant que la réciprocité de l’accord ne se définit pas par un nombre égal de français ou de canadiens (ou soit dit en passant, d’australiens et de français, de jap et de français…etc) qui viennent dans les pays de l’un ou de l’autre.
    C’est même presque logique (souvent pour des raisons linguistiques) Je ne suis donc pas d’accord avec cette phrase “cet Accord va donner lieu à autant de négociations que de migraines pour rétablir un ordre logique des choses et réinstaurer la parité de fait qui devrait exister.”

    Autre chose : à ma connaissance, le chiffre des canadiens qui viennent en France inclue les étudiants canadiens. Ce qui fausse d’ailleurs la comparaison.

    Encore autre chose : “Ces données placent la France au premier rang en termes de nombre de visas pour les jeunes, toutes catégories confondues. ” Je ne comprends pas cette phrase de Radio Canada. En terme de nombre de jeunes qui font une demande de visa ? De jeunes qui partent ? Au premier rang de quoi ? De tous les pays du monde ? Des pays qui participent au PVT ?

    Et pour finir, le PVT Canada ne va pas disparaître, donc il va devoir changer.
    Le PVT en France pour les canadiens va lui aussi devoir changer, pour supprimer enfin cette ATP (autorisation temporaire de travail) et quelques démarches difficiles. Ou tout au moins, il faudra que ceux qui la délivre soient mieux informés et… formés.

  2. J’ai essayé de ne pas tomber dans le piège de la réciprocité numéraire (ça se dit ça ?)entre les deux pays, ce qui me parait de toute façon irréaliste (quoique…)

    Ce qui me dérange par contre, c’est le bordel monstrueux que doit vivre un canadien venant en France et je pense que c’est sur ce point là que les négociations vont être ardues.

    Sur les étudiants, je n’en sais ma foi que diantre. Mais si tu avais le chiffre brut des pvts canadiens, je serais preneur.

    Sur les chiffres de RC, je pense qu’ils indiquent à l’échelle des partenariats mondiaux (pas sur).

    Le changement, c’est (presque) maintenant !

  3. Dès que j’ai vu ton tweet, j’ai foncé lire ton article, voilà un sujet qu’il est très très bon.

    Assez vite, nous avons découvert la non connaissance des Canadiens du PVT et quand on leur dit qu’ils peuvent également y aller parce que c’est accord BIlatéral, alors là ils en reviennent pas ! Il y a une totale désinformation au Canada de ce visa, voulue pas voulue je n’en sais rien. Ce que je sais c’est que les jeunes Canadiens ont d’autres possibilités que le PVT pour ce faire des expériences enrichissantes, ils peuvent par exemple tout simplement aller dans une province différente pour apprendre l’anglais ou le français selon leur langue maternelle. Cela reste le même pays ok mais je vous assure que c’est dépaysant et très enrichissant pour ces jeunes qui connaissent très mal l’histoire de leur propre pays. Ils peuvent aussi devenir prof d’anglais (pour les francophones je ne sais pas) et être envoyés en mission, notamment en Asie. Ils y restent un an ou plus et sont grassement payés et logés 🙂 Tout ça pour dire que si en plus ils doivent faire fasse à un monde administratif qu’ils ne connaissent pas, ouch ! mais ce PVT reste des volontés politiques et diplomatiques, quelqu’un à penser à interviewer des politiques dans cette histoires pour savoir ce qu’ils en disent ?

    Je te rejoins à 300% pour le but du PVT et sur ce point je suis très inquiète. C’est en ce sens pour moi que le PVT peut disparaitre parce qu’il aura perdu son essence même : on est en vacances, le travail est secondaire et nous permet d’être encore plus en vacances après chaque boulot. Le travers bien sûr, c’est que nous sommes une manne inespérée pour beaucoup d’employeurs mais à nous aussi de mettre le ola. Avec mon copain, nous avons dès le début décidé de faire du volontariat. Nourris et logés nous bossons 20h/semaine lorsque nous sommes en volontariat. Après 8 mois de PVT, nous avons en tout effectué un peu moins de la moitié de notre temps en volontariat. Si nous voulons travailler un peu plus nous sommes alors payés (légalement). Nous sommes en volontariat en ce moment parce que l’hiver au Canada vaut mieux avoir une maison mais nous y restons 4 mois uniquement pour remettre des sousous dans la popoche et repartir de plus belle vers un autre volontariat pour finir l’hiver et puis après road trip pour les beaux jours. En plus nous vivons avec une famille, nous rencontrons plein de gens et on profite surtout ! Le PVT n’est plus le PVT quand il devient une source trop importantes d’angoisses, faites vous plaisir ! J’ai rencontré trop de PVTistes qui se morfondent à Montréal parce qu’ils trouvent pas de boulot mais qu’il faut payer l’appart. Quand je suis en vacances, je cherche pas à payer mes factures.

    Je n’ai pas de recettes miracles pour que le PVT ne disparaisse pas mais si on vient à le changer en modifiant son but alors il ne sera plus là et on aura à faire à un visa d’immigration pour les jeunes.

    1. Merci à toi d’être venue partager ton ressenti. Je suis toujours curieux de lire les avis des PVTistes sur place (surtout ceux des futurs yukonnais !!!).

      Tu touches un point intéressant quand tu dis que c’est à vous de “mettre le Ola” et c’est malheureusement devenu bénin d’accepter un job sous payé et pourri par manque de choix…

    2. Sacrifice! Ce blog est le point de ralliement de tous les PVTistes cools ! 😛

      Je suis right d’accord avec toi. Le volontariat (auberges de jeunesse et fermes dans mon cas) m’a fait vivre sur un budget très limité pendant 8 mois. Depuis mi-novembre, j’occupe un emploi rémunéré à temps plein, tout en continuant de bosser pour un auberge de jeunesse afin de rester gratuitement. Ça fait beaucoup d’heures par semaine (60 environ, c’est pas pire). Mais comme je suis dans un région que j’ai déjà pas mal visité cette été, j’ai pas vraiment besoin de beaucoup de days off.
      L’avantage : en travaillant jusqu’à la fin de mon PVT (26 mars) je devrais accumuler assez d’argent pour pouvoir voyager encore 7-8 mois au Canada, USA, et même Islande avant de rentrer en France (pour combien de temps… je ne sais pas^^)
      À chacun son mode de voyage. Que ceux qui veulent travailler 11 mois pour avoir 3 semaines de congés continuent de le faire. Mais une chose est sûre, moi je vais continuer de travailler 6 mois sur 12 tout en voyageant, et d’avoir l’impression d’être toute l’année en vacances. Enfin, au moins jusqu’à mes 30 ans, quand je pourrai plus faire de PVT. 😉

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