La,plage d'â-côté

La péninsule d’Inishowen (ou l’Irlande en majesté)

Inishowen : un bout de terre de huit cent quatre-vingt quatre kilomètres carrés qui se détache, tout là-haut, au nord du nord de l’Irlande. Une péninsule hantée par trente mille personnes, avec quelques villes et villages parsemés ici et la. C’est un petit peu le bout du monde, un petit peu la fin des routes, le simple point de passage de certains et le gros coup de foudre pour d’autres. Mystérieux, énigmatique, méconnu, ce morceau de Donegal qui se raccroche comme il peut au reste du pays est avant tout un point d’interrogation immense, majuscule, monumental. Pourquoi aller à Inishowen ? Pourquoi aller se perdre sur ces routes embrumées en bordure desquelles paissent les moutons ? Pourquoi longer les côtes, de Scenic Road en Wild Atlantic Way ? Pourquoi, tout simplement, Inishowen ?

La fleur solitaire, envers et contre tout.

Si, aujourd’hui, vous me demandiez de résumer sobrement et brièvement ce qu’est l’Irlande, pour moi : j’en serais  incapable. Par contre, si vous me demandiez où se trouve une Irlande préservée, intime et naturelle, je n’aurais qu’une seule réponse : un doigt pointé sur une carte, avec la Péninsule d’Inishowen ainsi désignée. Bien des lieux et bien des régions pourraient être ainsi nommés. Il me serait facile de vous parler de la beauté du Connemara, de la solitude minérale des Îles d’Aran, de l’effervescente Dublin, des rebelles Cork et Limerick ou encore de la festive Galway mais cela serait tricher, cela serait mentir, cela serait oblitérer la vérité.

Son of beach !

En effet, cet été, au cœur du mois d’août, par un beau matin, alors que nous explorions une nouvelle plage cachée au détour d’un virage, j’ai eu un sentiment unique, puissant, imprévu : celui d’être arrivé à destination et d’avoir trouvé là ce que je cherchais depuis longtemps, sans trop le savoir, sans trop en avoir conscience. C’est une impression fugace, fugitive. Un intense moment de bien-être, comme une brusque révélation. Tout semble concorder. L’avenir n’est plus une peur, le passé n’est plus un fardeau et tout semble s’enchaîner naturellement, dans la fluidité, sans heurts ni tracas. C’était à Inishowen et nulle part ailleurs. C’était ce matin-là, sur cette plage-là, en leur compagnie. C’était unique, c’était beau et ça marque au fer rouge. Pour toujours.

Moment de joie partagée.

Bien sur, cela aurait pu se passer sur une autre de ces plages, comme on en trouve un peu partout sur les côtes de la Péninsule : dix-sept sont répertoriées, possédant chacune leur beauté propre, leurs attraits intimes, toutes plus ou moins accessibles, plus ou moins venteuses, plus ou moins fréquentées. Parfois, elles sont là, en bord de route. Il suffit de se garer, de descendre de la voiture et de marcher une poignée de mètres pour avoir les pieds dans le sable. D’autres fois, elles sont presque confidentielles, cachées, protégées. Il faut alors suivre soigneusement les rares indications, tourner et tourner encore le long d’une côte qui parait infinie pour voir enfin se dessiner, petit à petit, le ruban bleu de l’océan bordé de sa couverture jaune. Il y en a des grandes, des petites, des belles, des moins belles, des émouvantes, des rocailleuses, des fâchées et des apaisées. Il semble qu’on puisse trouver, à Inishowen, tout l’éventail des plages possibles, au choix, en libre-service.  Ce fut d’ailleurs l’un de nos immenses plaisirs que, sur un coup de tête, de plaquer l’itinéraire pour faire un détour imprévu, pour écouter nos petites voix intérieures.

Une d’icelles.

Enlever les chaussures, plonger les mains dans le sable chaud, se mouiller doucement les pieds en écoutant rire les enfants, en tenant son Amour par la main tout en regardant les vagues monter. Un cliché aussi vieux que l’Humanité elle-même et pourtant sans cesse renouvelé, sans cesse inédit.

Et une autre, encore.
Biblioplage
Des galets.
Un spot de rêve.
Sous la brume et la pluie
Solitude

Si, d’aventure, vous vouliez vous aussi partir explorer les univers sablonneux des plages d’Inishowen, placez alors votre voyage sous le signe du Lent.Envoyez paître tout ce qui ressemble à du stress, de l’ennui ou de la fatigue. Prenez le temps à pleines mains, gardez-le précieusement caché au fond d’une poche, d’une valise ou d’un sac et suivez doucement la côte, à votre rythme, dans un sens ou dans l’autre. Laissez votre instinct décider des arrêts, selon les noms, l’humeur ou la météo. Une règle d’or d’un voyage dans le Donegal est qu’on ne sait jamais vraiment ce qu’on peut y trouver (et c’est tant mieux) !

De roc(s), de Cap(s) et de surprise(s).

Cette règle de la surprise permanente, bien qu’applicable à l’Irlande dans son ensemble, n’en reste pas moins une spécificité du Donegal. Ainsi, j’ai la chance de pouvoir voyager avec une famille qui supporte mes lubies avec une certaine patience, en dépit de ma capacité surhumaine à faire la Girouette, à vouloir tout modifier, tout chambouler et tout intervertir alors même que la dernière minute est déjà (bien) entamée.  Or, quel meilleur de terrain de jeux, quel meilleur espace d’expression que cette Péninsule somme toute assez petite où il est virtuellement impossible de se perdre ? Où pourrais-je donc jouer à débrancher le GPS pour décider moi-même de la direction ? Où laisser libre cours à mes envies d’errance en sachant qu’icelles vont forcement nous mener quelque part ? Inishowen est pour cela LE lieu le plus adéquat car il y a toujours certitude de trouver quelque chose au bout du chemin, aussi boueux et tortueux soit-il !

Suivre le GPS (ou pas)

Un musée inattendu

Des surprises, nous en eûmes à la pelle. Si nous avons évité volontairement quelques musées placés (presque) trop évidemment sur notre chemin, c’est le hasard qui a nous mené vers l’incroyable Doagh Famine Village, planqué quelque part à côté d’une plage, quelque part au bout d’une belle route. L’idée du musée est de montrer l’évolution de la vie (et de la société) irlandaise depuis l’époque de la Grande Famine jusqu’à nos jours. Pour ce faire, pas de vitrines poussiéreuses ni d’immenses bâtiments à plusieurs étages : tout se passe dans un village reconstitué ainsi que dans un dédale de bâtisses adjacentes. Il y a donc la double possibilité de s’instruire en étant au sec (et c’est un immense avantage !).

Le musée.

La visite en elle-même est assez fabuleuse et très familiale, avec un côté désuet assez charmant, qui déborde de bonne volonté et d’envie de partager une culture, un savoir et un patrimoine. Il m’est compliqué d’aborder en détail ladite visite car je n’ai pas envie de gâcher votre visite en vous révélant les secrets du musée ! Sachez simplement que nos enfants ont successivement ri, pleuré, ri encore, couru, serré nos mains très fort, cherché des passages secrets, tremblé, interrogé, tripoté et souri. Sachez également qu’il ne faut surtout pas se fier aux apparences car le lieu est vraiment, vraiment très riche en savoir et qu’il permet de soulever beaucoup de questions très pertinentes sur l’évolution du Monde et de notre société. Les thèmes abordés vont ainsi de l’impact de la mondialisation sur l’économie irlandaise à la période de deuil dans l’Irlande rurale au XVIIIème siècle en passant par les abus de l’occupant anglais, la récolte des topinambours et l’art de construire des maisons en tourbe : vaste, très vaste ! Tout les panneaux sont en anglais (et en gaélique) mais il est possible d’obtenir un livret en français à l’accueil (très sympathique d’ailleurs). 

La,plage d’à-côté

Si le temps le permet, il y a une splendide, grande et belle plage sise juste à côté, surplombée par un très bon restaurant / snack, idéal pour manger une nourriture saine à des prix acceptables (environ 25€ de mémoire pour 4) :  Kitty Seán’s Kitchen.

Le musée est ouvert de 10 heures à 5 heures, toute la semaine. Il coûte 8€ par adulte, 4€ pour les enfants de moins de 12 ans et est gratuit pour ceux en-dessous de 4 ans. On trouve tout ce qu’il faut pour changer les bébés, acheter des souvenirs. Des visites guidées sont organisées (en anglais et en groupe) toutes les 45 minutes environ. Enfin, il est accessible sans soucis aux fauteuils roulants !

Un château (bien) caché

Non loin de là se trouvent les ruines bien mystérieuses d’un château qui fut fort (mais qui ne l’est plus des masses en vérité) : Carrickabraghy Castle. Construit au XVIème siècle par la famille O’Doherty, c’est un lieu d’un photogénisme absolu. Puissant, rocheux, minéral, presque granitique : impressionnant (en un mot).

Le château de Carrickabraghy,

Y accéder peut être un petit peu tortueux puisque le chemin n’est pas fléché ni signalé. Pour faire simple, en sortant du Doagh Famine Village, foncez vers la côte en allant toujours vers le nord-ouest : le château finira par apparaître au bout de la route, après quelques minutes de conduite. Les lieux ne sont pas sécurisés et tout est toujours en période de restauration : soyez donc vigilants à ne rien pousser, faire tomber et surveillez bien les enfants !

Le château de Carrickabraghy vu d’en bas.

Pour repartir, faites simplement demi-tour, à moins que vous ne vouliez profiter du superbe décor des alentours pour vous amuser en famille (comme l’a fait ce photographe local dont les enfants squattent – à leur insu – 90% de mes clichés pris sur place ce jour-là…).

Un rocher près du Chateau

Faire exprès de tomber sur un os.

Savez-vous ce qu’est une « Skull House » ?

C’est exactement la question que je me posé la première fois que j’ai vu cette expression au détour d’un feuillet touristique consacré à la petite bourgade de Moville. Curieux et intrigué, j’ai donc décidé, de façon quasi unilatérale, d’aller voir de par nous-même, histoire de ne pas rester sur notre (ma, en réalité) curiosité !

Un cimetière abandonné

Ce que j’ai trouvé sur place, je ne m’y attendais pas : un cimetière abandonné, envahi par les herbes folles, perdu au milieu de la campagne irlandaise. Aucun panneau, aucune indication et une ultra-mini place pour se garer. 

Une tombe

Dans ce lieu abandonné des hommes, il reste une interrogation archéologique majeur, située dans l’un des coins du champ : une sorte de maison de pierre qui se trouve être notre fameuse Skull House et qui est en réalité un ossuaire des Temps Anciens, historiquement associé à Saint Finnian, ancien Abbé du monastère sis en ce lieux jusqu’au XIIème siècle et sensé avoir été fondé par Saint Patrick (himself !).

Le fameux ossuaire.

Si vous avez l’envie et le temps de faire un petit détour dans le temps, n’hésitez pas : le voyage – quoique un tantinet déprimant – peut valoir le coup. Il y a aussi de belles croix gaéliques, si vous êtes fan du genre !

Be smart : go to Malin !

Si vous êtes collectionneur des points les plus septentrionaux, que vous aimez aller réellement jusqu’au bout de la route, là où le demi-tour reste la seule option possible ou encore si vous parcourez la Wild Atlantic Way sur toute sa longueur alors vous ne devez en aucun cas rater le passage par Malin Head (et Banba’s Crown), le point le plus au nord de toute l’Irlande.

Le début et la fin de la Wild Atlantic Way

La route pour y aller est probablement la plus balisée de toute la région puisqu’il suffit de suivre les légendaires panneaux bleus labellisés Wild Atlantic Way. Le tracé jusqu’à Malin Head est sinueux et assez fréquenté, au point même de provoquer du parking sauvage lorsqu’on approche du sommet. Cependant, le turn-over des places disponibles est assez conséquent et si vous voulez vraiment vous garer au sommet, vous n’aurez qu’à attendre un petit peu pour trouver place au pied de la tour, à côté des marchands de souvenirs et de café.

Malin Head : l’arrivée.

Lors de notre passage, le temps est passé en quelques minutes de légèrement nuageux à carrément venteux avec une splendide averse (pas du tout prévue) qui a nous bouché et la vue et nos perspectives de rester secs longtemps. Le panorama est plutôt joli sans être forcément le plus exceptionnel de toute la région. Pour la petite histoire, l’inscription visible à l’arrière-plan de la photo date de la seconde guerre mondiale et était destinée aux aviateurs égarés, afin de leur indiquer qu’ils survolaient l’Irlande et étaient donc en territoire neutre !

L’inconnue à peine effleurée

Au final, de tous les endroits de la Péninsule que nous voulions voir, un seul s’est dérobé à nous, faute de temps, d’une envie suffisante et d’une motivation partie nager un peu plus loin : Magilligan. Avec un phare, une immense balade (le Inishowen Head Loop – 8 kilomètres) et de chouettes histoires à découvrir, ce sera une occasion de revenir dans ce coin pour en savoir plus.


La péninsule d’Inishowen : le Guide pratique

Tirées de notre voyage familial estival au Donegal, voici quelques recommandations testées et approuvées concernant l’organisation d’un roadtrip dans la Péninsule d’Inishowen.

Pourquoi aller à Inishowen ?

Faisons simple : parce que c’est beau, sauvage, irlandais, surprenant, nordique et plein de surprises. 

Comment aller à Inishowen ?

Par la route, depuis Letterkenny ou Derry la belle (chez les voisins). Pour notre part, nous avons pris le ferry entre Rathmullan et Buncrana. Rapide, ponctuel et pas si cher (environ 20€ pour une voiture et 4 passagers). Très pratique pour éviter de se taper un gros détour par la route !

Ledit ferry.

Que faire à Inishowen ?

Admirer la nature, dire bonjour aux moutons, se promener, découvrir les plages et retrouver une Irlande plus ancienne, peut-être plus « authentique », si tant est que ce soit possible ! Le site officiel – Visit Inishowen – propose une liste (supposée) exhaustive.

Combien de temps passer à Inishowen ?

Chacun fera en fonction de son emploi de temps mais nous y avons passé trois jours et deux nuits et ça nous a semblé bien court…

Quand y aller ?

N’importe quand sachant qu’il est possible d’y voir des aurores boréales en hiver et que c’est splendide en été !

Où dormir à Inishowen ?

Deux adresses très, très bien :

  • le Tullyarvan Mill à Buncrana, une immense auberge de jeunesse super propre et bien fournie, située dans un bâtiment historique. Accueil sympathique, installations très correctes et tarif raisonnables (15€ la nuit en dortoir, chambre familiale de 6 à 60€ la nuit).
  • Le Trean House Bed and Breakfast, situé au milieu de nulle part, entre Culdaff et Moville. Gros coup de cœur pour cette adresse de charme réellement chaleureuse, dans un cadre superbe, avec la ferme attenante et les moutons ! Il est possible de visiter ladite ferme, ce qui fait le bonheur des enfants (et des papas). Accueil très sympathique et petit-déjeuner de belle qualité. Voiture quasiment obligatoire pour se déplacer et manger ! La chambre coûte entre 30 et 40€ la nuit, par personne et selon la saison.
Rencontre au sommet
Bwa.

Où manger à Inishowen ?

J’ai déjà recommandé le restaurant snack situé à côté du Doagh Famine Village mais je vous propose une autre adresse, absolument superbe :le Front Bar du McGrory’s Hotel de Culdaff. La nourriture est délicieuse, l’ambiance irlandaise, les bières locales, les prix honnêtes et même l’équipe de tournage de Star Wars est venue y manger, comme en témoignent les nombreuses photos et coupures de presse affichées sur les murs. L’addition pour quatre personnes (avec menus enfants) tournait autour des 40€.

Under the rainbow !
Un plat du pub : BON !

La conclusion

Un petit morceau d’Irlande comme j’aime, encore assez peu fréquenté. Idéal pour un voyage solitaire ou pour une escapade familiale. Beaucoup de charme, une météo aléatoire mais parfait pour un séjour axé sur l’extérieur et la Nature.

I want to come back !
Cet article fait suite au voyage #EireWeGo, organisé avec le soutien logistique de Tourisme Irlandais que je remercie fortement. Le contenu éditorial n’en reste cependant pas moins indépendant et soumis à ma seule volonté.