Les paysages de l’Altiplano

Pour ce troisième volume sur le thème du Chili, je vous invite à voyager avec moi dans des paysages d’une beauté à couper le souffle, où le vide fait office de tout, où la présence humaine ferait presque tâche et où les vigognes règnent en maitre : l’Altiplano chilien ! Pendant une journée entière, j’ai eu le plaisir d’être trimballé entre la réserve nationale des Flamands Roses et la route menant à Paso Sico, le col faisant frontière avec l’Argentine. Plutôt que de m’étendre sur la première citée, je préfère vous parler de ces heures à rouler en solitaire, là-haut et des rencontres faites au gré des arrêts.

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Soyez véhiculés !

Autant le dire de suite, sans ambages ni vergogne : il est im-po-ssi-ble de voyager dans ces hauteurs et sur ces routes si vous n’avez pas de véhicule à votre disposition. Que vous possédiez votre propre voiture, que vous en ayez loué une, que vous partiez en excursion pour une journée en mini-bus : faites ce que bon vous semble mais ayez un truc pour vous déplacer. Bien sur, vous pouvez tenter le stop, le vélo ou le lama mais je pense, en toute honnêteté, que vous vous préparez pour de sérieux (et potentiellement très beaux) moments de solitude, de galère et de jurons. Mais, après tout, chacun voyage comme il le veut !

Merci la voiture !

Les lamas de l'Altiplano

Socaire (le nulle part est un endroit)

Pour aller en Argentine, une option à envisager est de transiter par le col de Paso Sico, via la route CH-35. Si tel est votre choix, vous allez croiser le milieu absolu de nulle part, un FMON (pour Fuckin’ Middle Of Nowhere) de toute beauté, qui surgit là où on s’y attend pas : le village de Socaïre.

Panneau routier au Chili
Avec ses 843 habitants, son église et son restaurant, Socaïre ne risque pas d’être un arrêt obligatoire pour le touriste moyen. Rien ne semble y être spécial et on a vite fait d’y passer, le temps d’un repas ou d’une photo. Pourtant, j’en garde un souvenir agréable : celui d’avoir trouvé le vrai Chili, loin des facettes trompeuses de San Pedro de Atacama. Ne pensez pas que je sois versé dans l’art de l’ethnotourisme, du safari humain ou autres. Par contre, ma vision de l’Amérique du Sud était remplie de clichés sur les visages, les habits, les maisons et le mode de vie. C’est ce que j’ai découvert à Socaïre (et plus tard à Rio Grande).

La rue principale de Socaire

De plus, j’ai eu le plaisir de voir un copain canin prendre une pose (presque) parfaite devant les deux éléments principaux du village : l’église et le décor. Comme un peu partout au Chili, les chiens sont bien présents, à ne rien faire à part dormir, chercher à manger, quémander des caresses et rôtir au soleil…

Un chien pose devant l'église de Socaire.

Quand Zorro croise des vigognes.

Quitte à paraitre touriste jusqu’au bout des ongles (OUI, je revendique ce statut haut et fort. D’ailleurs l’opposition entre touriste et “vrai voyageur” ne cesse de m’horripiler. Bref), je rêvais de voir des lamas, des alpagas ou encore des vigognes, sublime bestiole dont la laine peut atteindre 500$ le kilogramme, prix justifié par le meilleur rapport poids/chaleur de la Création. Comme il semblerait que je sois chanceux, pas mal de ces animaux ont daigné montrer le bout de leur nez et m’ont autorisé, fort aimablement, à les paparazzer sous toutes les coutures.

Un troupeau de vigognes

Le troupeau de vigognes

Vous remarquerez, comme moi, l’aspect intelligent, vif et énergique de ces animaux. Vous noterez la lueur d’intelligence dans leurs yeux et la finesse de leurs lignes.

Vigogne solitaire

Plus sérieusement, depuis que je me suis occupé de quatre alpagas pendant un Helpx en Nouvelle-Zélande, je n’ai plus aucun respect pour l’intelligence de ces trucs. C’est fourbe, vicelard comme pas deux et ça n’est intéressé que par la bouffe apportée et fournie gracieusement… mais ça a quand même de la gueule, surtout quand ils sont en libertés dans les pâturages de l’Altiplano !

Zorro, le renard des hauts plateaux

Beaucoup plus subtile et mémorable fut ma rencontre avec Zorro, le petit renard des hauts-plateaux. Gentiment installé en bord de route, il semblait demander un lift vers ailleurs, comme s’il était le premier autostoppeur de sa race. Pendant de longues minutes, il est resté stoïque alors que retentissaient les exclamations de joie (“Oh la pose !”), les jurons (“No te mueves, puta madre”) et les déclics des déclencheurs.

Zorro, le renard des hauts-plateaux

Cependant, son immobilité ne devait pas être due, malheureusement, qu’à sa politesse : je suppute qu’il a l’habitude d’être nourri par les touristes de passage, ce qui ne manque pas de m’attrister. En tout cas,la rencontre de P’tit Zorro fut un gros moment de joie pour moi qui aime tant voir les animaux et communiquer avec eux.

El salar de Talar

Le choc.
Les mots bloqués dans la gorge.
Les yeux écarquillés.
Les bras ballants et l’appareil coincé dans une main.
Je viens de découvrir le Salar de Talar

Le Salar de Talar

Les montagnes sont tellement lisses qu’on dirait qu’elles ont été façonnées à la main pendant des millions d’années. Le ciel et l’air sont d’une pureté exceptionnelle et il me semble être capable de voir à des milliers de kilomètres en ligne droite. Le silence résonne. Rien ne vient troubler la beauté du moment. Je me tais. Je respire. J’admire.

Le salar de Talar

Le salar de Talar

Jamais un paysage ne m’a frappé de cette façon. Le désert, à près de 4000 mètres d’altitude, fusionne avec les montagnes et fait naitre des décors irréels où la vie ne semble pas avoir sa place. Tout me parait aride, féroce et je me sens presque de trop à contempler cet endroit.

El salar de Talar

La laguna Tuyajto

Quand nous repartons en voiture, je me dis que la journée est finie et qu’il est temps de repartir. Hors, Rodrigo (mon guide) poursuit vers une seconde surprise, qui va m’achever pour de bon : la lagune de Tuyajto. Encore une fois, le décor est quasiment surréaliste, avec la croute de sel qui affleure, la solitude absolue des lieux et la beauté brutale des montagnes environnantes.

Panorama de la lagune de Tuyajto

La lagune de Tuyajto
Parfois, j’oublie que nous sommes si haut. Ainsi,  quand ma casquette s’envole, piquée par le vent, le sprint que je dois faire pour la récupérer m’oblige à chercher mon souffle pendant de longues minutes. 4000 mètres d’altitude, tant de beauté : l’association a du mal à se faire dans mon cerveau, ce qui ne m’empêche de m’avancer un (tout petit) peu sur la croute de sel locale.

La croute de sel de la Lagune de tuyajto

Avant de partir, de nouveau clichés, de nouveaux souvenirs, de nouveaux moments de quasi béatitude devant cette offrande du Chili, ce cadeau de la nature, ce moment précieux et inoubliable.

La lagune de tuyajto

La lagune de tuyajto

Cette journée a été possible grâce aux copains de Azimuts 360, une chouette bande d’expatriés et de locaux francophones. Je remercie Rodrigo pour ses conseils, sa gentillesse, sa patience et ses talents de conducteurs ! La lagune et le Salar se trouvent à environ 140 kilomètres de San Pedro et de nombreux TO organisent des excursions depuis le village, pour un prix allant de 60 000 à 100 000 pesos par personne, avec un départ tôt le matin et un retour en fin de journée.