Les nuits du Yukon

Plongé dans la contemplation de la bien triste skyline de la capitale, bordurée d’immeubles obscènes, tels des majeurs dressés dans mon horizon, me disant “Dégage d’ici, ce n’est pas pour toi, nous ne te voulons pas parmi nous”, je repense avec nostalgie à certaines de mes nuits yukonnaises, passées dans un espace temps probablement différent et tant pis si la métanalogie est foireuse.

Ainsi, les plus fidèles d’entre vous, premiers parmi les premiers, se rappelleront que j’ai été à l’occasion Gardien de camping et que je dormais allongé sur une table de pique-nique, cramé d’un côté par un poêle surchauffé et glacé de l’autre par les courants d’air glacés de l’hiver. Il m’arrivait de sortir par moments errer dans la forêt, chaussé de raquettes et sautant tel le caribou moyen dans la neige fraichement tombée. Je m’arrêtais alors au détour d’un chemin, cherchant à apercevoir ce ciel si étoilé qui est celui du Grand Nord, restant à l’aguet d’éventuels bruits d’animaux dans le silence de la nuit.

Seul au monde et seul dans mon monde.

Il fut une autre fois où un certain ND avait eu la riche idée d’aller passer un week-end aux Liards Hotspring, aux confins du Yukon, quelque part à l’extrême-nord de la BC. Nous étions alors en mai, j’avais arrêté de bosser à Xtra Foods, le soleil brillait et nous partions entre potes en excursion. Mais (vous l’attendiez ce mais hein !) l’inattendu s’est produit: une tempête de neige a décidé de s’incruster et de pourrir notre ma nuit. Il se trouve que je n’avais emmené avec moi pour toute protection, non pas une palissade de bois mais bel et bien ma chère et tendre douillette au lieu d’investir dans un duvet adéquat. Et dans ma tente montée par je ne sais pas quel miracle, je me suis réveillé recouvert par une fine pellicule de neige qui avait réussi à pénétrer l’espace supposé clos de ladite tente. Autant vous dire que je n’ai pas fait long feu et que j’ai couru me réfugier dans le Hall du chalet/hôtel tout proche où un fauteuil m’a accueilli pour de brèves demie-heures de semi sommeil.

Plus du tout seul au monde mais au chaud dans leur monde !

La troisième (et dernière) nuit dont je vais vous parler pour ce jour nous renvoie au mois d’août 09, après mes premières armes de Bucheron. PPDO n’habite plus la colloc’ légendaire et est partie s’occuper de plein de toutous quadrupèdes tireurs de traineurs et chieurs – au premier sens du terme – devant l’Éternel. Me sachant attiré par toutes les expériences chelous possibles (et voulant aussi probablement soulager ses pauvres bras endoloris par le portage de plein de seaux remplis de têtes de poissons pourries et de morceaux de viande congelés), elle m’a donc cordialement invité à venir passer une journée ou deux avec elle, ce que j’ai accepté avec moult gratitude.

J’ai été logé dans une petite cabine, dans la taille en m² était probablement inférieure à celle de ma chambre actuelle, dénuée de tout confort moderne: ni eau ni électricité mais dotée d’un lit merveilleux et ultra confortable. Et là, à la lumière d’une bougie, confortablement blotti, chauffé par le pôele, lisant un quelconque roman venu d’un autre siècle, je me suis senti reviendu cent vingt ans en arrière, quand les goldrushers s’escrimaient à fouiller encore et encore le sol fertile du Yukon à la recherche d’une bien illusoire richesse.

Seul au monde mais plus seul dans mes mondes !