Le passé d’un voyageur est son fardeau

Soleil sur la Capitale et pénombre dans ma chambre.

Seul devant mon ordi’, je fouine une nouvelle fois dans l’amas gigabytesque des photos du passé. Je laisse mon curseur errer des dossiers en dossiers et je navigue du Yukon à la Nouvelle Zélande, m’arrêtant sur ce cliché ou celui-ci en laissant remonter doucement les souvenirs associés.

Plongée intime.

Du coup, ce qui devait être un simple recherche d’illustrations se retrouve transformé en TIN (Trip Intérieur Nostalgique). Je ressasse les moments sur la route, à la roots ou en déroute. Je replonge et revis les moments de doute, de joie, de peine, d’amour ou de haine.

Alors forcément, je planifie: des retours vers ces lieux déjà connus. Je planifie des excursions, des cheminements, des balades ne visant qu’à marcher sur mes traces, réflexion quelque part terriblement égoïste: pourquoi les autres devraient-ils aimer ce que j’aime, pourquoi devraient-ils apprécier ce que j’apprécie ?

Briser le précieux.

Si je repars en douce compagnie de par là-haut, vers ce Yukon et cet Alaska tant aimés, chantés, loués, ne risque-je donc pas de tout casser, briser, salir ? Ne devrais-je  pas conserver ce précieux souvenir au chaud et ne pas vouloir le confronter à la réalité d’une nouvelle expérience ?

En pensant à tout ça, je me dis que je ne devrais pas.

Je ne devrais pas être tourné à ce point vers ce qui a été beau mais qui est mort, vers que ce qui fut grand mais qui est révolu, vers ce qui a été vécu mais qui n’est plus.

Demain, c’est loin.

Je crois que c’est vers demain que je ferais mieux de m’orienter car c’est demain et non pas hier qui me fait avancer, vivre, aimer, qui me motive le matin à me lever, qui me pousse à écrire, qui m’oblige à aller plus loin.

Vivre dans l’Ombre de ses expériences passées, c’est dénier le droit au futur d’exister, c’est se fermer des portes, c’est marcher à reculons pour trouver un raccourci dans le Temps, un chemin vers l’Arrière, une backdoor intemporelle.

C’est mon fardeau et je le porte.

Le livre se referme doucement, la nostalgie s’en va à pas feutrés et le soleil brille de nouveau. Je regarde par la fenêtre et je pense.

“Ces voyages ont formé celui que je suis aujourd’hui et contribuent à former de même celui que je serais demain. Seulement, ils m’ont trop dominé et leurs souvenirs me rongent, là, à l’intérieur, au plus profond de mon âme et je ne peux rien y faire.”

Alors, presque malgré, j’accepte ces souvenirs, j’accepte cette volonté de toujours vouloir y retourner, j’accepte d’en rêver, d’en cauchemarder et je me dis, mi-sérieux, mi-fatigué.

“Allez, t’y retourneras bien un jour !”

Tel est mon léger fardeau.
Telle est ma petite charge.

  1. Peut-être peux-tu y retourner pour fermer le cahier?
    Partir avec la personne peut aussi être un moyen de partager ce qu’on a aimé, vivre une nouvelle aventure à deux !
    Je suis allé une première fois en Laponie, c’était top, et j’ai été très content de retourner montrer à ma copine ensuite un endroit où j’avais été bien et heureux…Maintenant je te comprend quand tu vois ça comme le passé, mais est-ce qu’on ne peut pas avancer dans a vie en retournant, avec un autre regard, dans un endroit particulier? Belle réflexion en tout cas…

    1. Y a un truc qui est sur: j’y retournerai.

      Y a un truc qui est sur aussi: j’y retournerai accompagné (et je sais avec qui !).

      C’est vrai que ton exemple Laponie, ça me fait reflechir aussi…

      Le cahier sera jamais fermé je crois 🙂

  2. Ton Yukon te manque trop, ça fait (au moins !) le deuxième article traitant de non pas ton envie mais ton besoin d’y retourner.
    Il faut que tu te relances là-dedans, c’est impératif, je rêve de lire des articles du grand Nord par le Cédric lui-même, et son retour là où il a vécu des moments géniaux. Je ne fais que supposer hein.
    Mais une fois de plus, appréhendes-tu le fait de ne pas apprécier le Yukon autant que dans tes souvenirs ?

    1. Ah tiens, fidèle lecteur Kiwi !

      Tu poses une question très pertinente et je crois, qu’en fait, quelque part, ma peur la plus insidieuse, ce serait de ne pas vouloir en repartir 🙂

      1. Ah, mais ce n’est pas exclu. Pas dans mes priorités pour le moment, bien entendu, mais la côte Est de l’Amérique du Nord m’intéresse plutôt pas mal. Alors pourquoi pas pousser jusque dans le Grand Nord…

          1. La côte Ouest, je suppose que je la met de l’autre côté, à l’Est. Ce qui n’est pas évident.
            Mais pour l’instant, mon projet, c’est le Japon, et niveau des fonds, je suis pas sûr de pouvoir suivre pour le moment. Mais ça viendra, je l’espère !

  3. Je ne suis qu’à moitié d’accord… Je trouve ça beau d’avoir “son” endroit dont on ne se lasse pas et qui continue à nous émerveiller, même après 2, 3, 10, 20, 30 visites. Pourquoi pas, après tout ? Un peu de sédentarité dans le voyage ça peut être sympa et puis ça n’empêche pas d’aller aussi à la découverte d’autres contrées.

    Surtout, je suis sûre qu’après 20 séjours au Yukon tu n’auras toujours pas vu tout ce qu’il y a à voir dans cette région. Alors moi je dis, si tu veux y retourner, retournes y !

  4. Une expérience ne gâche jamais la précédente ! On en a déjà parlé dans d’autres articles mais même si tu ne retrouves pas la même chose, les mêmes sensations, cela voudra-t-il dire que c’est moins bien ? non ce sera différent mais tout aussi enrichissant !
    Tous mes voyages à Montréal n’ont jamais effacé mon souvenir du premier !
    Allez fais découvrir à DeT une partie du monde où tu as été bien et qui fait de toute façon partie de toi !

  5. C’est exactement ça, perso il y a 2/3 endroits ou je veux aller, retourner, mais ça ne veut pas dire que je ne veux et ne visiterais pas d’autres endroits…question de priorités, de moments…

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