Le dernier Texte

Yeux fermés, tête renversée, confortablement adossé.

Dans ma pénombre, j’entends la vie défiler autour de moi. Fils s’interroge sur la totalité des objets présents autour de lui. Il secoue, manipule, renverse et rigole. Dehors, la rumeur de la ville est assourdie. J’entends quelques rires, quelques exclamations et les klaxons habituels. Une cloche sonne, comme le font les clarines des vaches, là-bas, très loin d’ici.

J’entrouvre doucement les yeux et j’observe, silencieux. Je suis chez moi, en ce 31 décembre de l’année 2016. Fils vaque toujours à ses même occupations. Il a mis la main sur les bijoux de sa sœur. Il examine chacun d’iceux à tour de rôle et pousse, de façon aléatoire, des petits cris de joie. Là-bas, dans la salle de bain, l’eau ne coule plus. La ville fait toujours autant de bruit et l’hélice, sur le balcon, tourne plus vite que jamais. Il doit faire froid, là-bas, dehors.

Désormais vaguement sorti de ma somnolence, je garde un œil sur Fils, qui a délaissé ses bijoux pour ranger – à sa façon – ma bibliothèque. Les livres volent et atterrissent dans un froissement de protestation. Aucune envie de me lever pour intervenir, j’aurais bien assez le temps plus tard. Aucune urgence ou besoin maintenant. Soudainement, un immense “NON, NON, NON” vient briser en mille morceaux la quiétude installée depuis belle lurette. Tandis que les débris se fracassent dans un vacarme d’un silence assourdissant, je me rends compte que Fils – toujours lui – tente de faire rentrer un carré dans un rond. Souci, frustration, énervement, protestation.

Je souris vaguement, toujours installé dans mon fauteuil dont je ne vois aucune raison de me lever. Tout à l’heure, quand il faudra bouger, agir, partir, ce sera le moment idoine. Pour l’instant, je me contente d’apprécier mon rôle d’observateur domestique. La vie de Lamantin n’est certes pas un modèle mais elle a ses mérites qu’il faut reconnaître.

Une crise de larmes, un câlin, des retrouvailles, des histoires, des récits, des anecdotes, des serments, des paquets ouverts, d’autres refermés. Des chansons, des poèmes, des comptines, de l’eau qui tombe, goutte à goutte, de petits yeux fatigués. Des bras autour d’un cou, des lèvres qui s’effleurent et des mots susurrés au creux d’une oreille, sourire en coin.

La journée va se poursuivre, comme toutes les autres, son cours. Les choses vont aller et venir, des verres vont trinquer, des phrases vont être échangées, le ton va monter pour mieux redescendre, des silences se feront lourds et les exclamations seront ponctuées de grands gestes tranchants, de poings abattus sur des paumes et d’explications aussi longues que rhétoriques et dont tout le monde se fichera. Puis, tout s’achèvera dans la réconciliation et l’exubérance de la première seconde de la première minute de la nouvelle année.

Bye bye 2016.
A demain 2017