Deux mots et quatre lettres qui changent une vie.

Deux mots et quatre lettres

Souvent, cela arrive sans prévenir, par surprise. Dans une conversation, attablé avec des amis dans un bar, dans un échange tendre avec sa moitié dans un lit. Dans une réunion des plus sérieuses, au cœur d’un débat sur l’Avenir. Deux petits mots, deux voyelles et deux consonnes pour un total de quatre lettres au pouvoir infini : ET SI. On ne soupçonne pas la puissance de ces deux mots, tout ce qu’ils portent en eux, tout ce dont ils sont le présage formalisé, entamé, prononcé. Ils sont l’ouverture d’une porte vers un autre chose, encore lointain et indéfini. Ils sont la naissance d’une possibilité, d’une probabilité désormais consciente. Le rêve encore si vague prend, tout doucement, forme de quelque chose. Il est encore, forcément, très lointain mais il a été abordé. La formule magique a été prononcée. Plus rien ne sera jamais comme avant. 

Parfois, les “Et si” ont goût de serment. Les yeux dans les yeux, les mains serrées tendrement, c’est une amorce vers ce qui change une vie. Chacun a connu ce moment où des frissons parcourt le corps, où les mots hésitent à sortir, où la digue personnelle est sur le point de craquer, d’être submergée. Et puis, les mots sont lâchés et c’est la déferlante émotionnelle, le raz-de-marée. 

D’autre fois, les “Et si” ne sont qu’un jeu. Ils sont l’expression d’un projet fou, d’une envie folle, d’une folie commune (soit disant) inaccessible. On en parle à voix feutrée, les yeux levés vers le ciel, un verre à la main et une cigarette dans l’autre. Les mots sont doux et l’esprit s’est déjà envolé vers d’insondables hauteurs oniriques tandis que la conversation prend un tour inattendu.

Il arrive aussi que nos “Et si” soient teintés d’interrogations, de regrets, d’amertume. Nostalgie des décisions d’antan, des possibilités de jadis, de routes pas empruntées ou de virages mal négociés. L’esprit écrit de nouvelles lignes, parcourt les branches d’une autre vie, aussi hypothétique que révolue. Un moyen comme un autre de s’évader, de s’enfuir d’un quotidien qui est trop oppressant, trop chargé, trop instable.

Ces “et si” qui sont miens

Pour ma part, mon existence entière est parsemée de “Et si”, laissés ici et là. Il ne passe pas une journée sans que je ne lève les yeux au ciel et que je me demande si j’ai fait ce qu’il fallait faire quand il le fallait, si je n’ai pas laissé passer telle occasion en or ou si j’ai bien fait de faire cela : “Et si j’étais resté au Canada après mon PVT ?”, “Et si j’étais resté plus longtemps en Nouvelle-Zélande ?”, “Et si j’avais continué ma carrière dans l’animation ?”, “Et si je n’étais pas devenu Papa ?”.  Je m’imagine des itinéraires BIS, des raccourcis improbables, des déviations temporelles farfelues. Cependant, aussi belles soient-elles, toutes ces autoroutes n’aboutissent qu’à une impasse, à un mur : celui de l’impossibilité absolue, totale, granitique. Ma vie est celle qu’elle est et j’ai la chance de ne pas avoir (trop) de regrets. 

Pour autant, mes “Et si” ne sont pas seulement tournés vers le passé. Ils sont aussi (et surtout) un formidable moteur pour aller de l’avant, encore et toujours. Ils sont ce qui me permet de me projeter dans le futur, vers mes futurs voyages, mes futurs projets, nos futures aventures. “Et si nous allions au Canada cet été ?”, “Et si nous allions voir des aurores boréales ?“, “Et si nous partions en tour du monde, tant que nous le pouvons encore ?”. Ils sont des jalons, des rêves formalisés, des envies ancrées dans le ciment de ma réalité. Puisqu’un voyage commence par un simple pas (parait-il), autant le commencer en y pensant, en l’imaginant ? Le rêve d’un voyage n’est-il pas déjà un voyage en soi ?

Dans le passé, chacune de mes grandes décisions a été précédée d’une période d’intense Etsissicité. Je prends une envie et je l’observe sous toutes ces facettes. J’essaie d’étudier tout ce qui peut en découler, tout ce qui peut arriver pour, dans le plus grand nombre des cas, finir par arrêter de me prendre la tête et me lancer, d’un seul coup, vers l’Inconnu. C’est ainsi que je me suis dit, un jour devant PVTistes.net, alors que j’avais mon PVT et que je regardais une carte “Et si j’allais au Yukon ?”. C’est également ainsi qu’un soir de juillet, j’ai prononcé les paroles fatidiques “Et si je me barrais en Nouvelle-Zélande”.Ce fut même la même pour l’Alaska, le Nunavik, mon premier voyage en Irlande ou ma première direction à l’étranger.  C’est aussi, toujours et également comme ça qu’ont été prises des décisions qui ont radicalement changé le cours de ma vie : la sédentarité, la paternité, la vie de freelance. 

Si je n’avais pas, un jour, prononcé ces deux petits mots, rien n’eut été pareil pour moi et je me demande vraiment quelle serait donc ma vie aujourd’hui.

Et si…

  • Nous partions (vraiment) au Canada l’année prochaine, retrouver le Québec, mon Yukon et découvrir les provinces maritimes ?
  • J’écrivais un guide de voyage sur l’Irlande ou Paris ?
  • Nous quittions Paris ?
  • Nous allions au Manitoba voir les ours polaires ?
  • Nous allions voir les gorilles des montagnes ?
  • Nous allions voir des aurores boréales cet hiver ?
  • Nous changions ce monde, ensemble ?