[#EnFranceAussi] – 36 ans d’amour(s)

Cet article est paru dans le cadre du chouette rendez-vous mensuel #EnFranceAussi qui fête ce mois-ci son cinquième anniversaire. Il constitue de par ailleurs ma première participation à cet événement destiné à mettre en valeur, tout simplement, la France et mené de façon collaborative par des blogueurs francophones.

Parce qu’il faut bien commencer un jour

Tout débute en 82. Peut-être en 83, à vrai dire. Il parait, de source presque sûre, que c’était en Bretagne, à Plozevet, parce que c’était moins cher, plus pratique, moins fréquenté, plus économique. Je ne garde, bien sûr, aucun souvenir des ces premières fois. J’ai probablement dû être trimbalé dans un landau, depuis la maison jusque la plage, en passant par cette route qui longeait le champ de coquelicots. Il se peut, de même, que certains après-midi de ces jeunes années m’aient vu me rouler dans le sable, sous un parasol, dans le réconfortant giron parental. Tout ce que je sais, en tout cas, c’est que mon histoire d’Amour avec la France, histoire plurielle et parsemée d’infidélités, a donc commencé là. Je ne pouvais pas savoir que ce n’étaient alors que les premières lignes, timides et inconscientes, d’une longue, très longue histoire que je continue encore aujourd’hui à écrire, à composer et à mettre en forme et dont je ne connaîtrais probablement jamais la conclusion, sauf à décider un jour d’un improbable point final.

Petites présentations

Pour faire une histoire d’Amour, il faut être deux, aurait pu dire La Palisse, (qui était plus grand mort que vivant dixit la légende). D’un côté donc, se trouve moi. De l’autre, légendaire, majestueuse, enviée, jalousée, maudite, haïe, adulée : la France. Entre nous : des envies, des projets, des rencontres, des voyages, des errances, des déménagements, des épopées, des aventures. Autour de nous : soixante-six millions d’habitants et quatre-vingt neuf millions de touristes, soit un total de cent cinquante cinq millions de concurrents potentiels (et moi, et moi et moi ?). Il faut aussi rajouter trente-cinq mille trois cent cinquante sept communes (dont près de la moitié compte moins de cinq cent habitants, ce qui fait que ces dix neuf mille communes accueillent environ quatre millions et demi d’habitants, soit autant que Paris, Marseille, Lyon, Toulouse et Nice réunies) réparties en cent un départements (quatre-vingt seize en France métropolitaine, cinq en Départements d’Outre-Mer). Je vais passer outre les quarante quatre mille monuments historiques recensés (classés et inscrits confondus), les quarante trois sites du patrimoine mondial de l’UNESCO, les mille deux cents sortes de fromages (et tout le reste) pour me concentrer sur une seule chose, unique : NOUS.

Notre histoire

La France et moi, c’est donc une vieille histoire, un petit peu comme un vieux couple qui cherche à tout prix le piment du renouveau. Il faut dire aussi qu’on a quand même salement bourlingué, tous les deux. 

Côté famille

Le Loir et Cher. Des photos. Au départ, nos premières idylles étaient plutôt occidentales et maritimes. La Bretagne et Plozevet, à plusieurs reprises, avec en bonus mes tous premiers souvenirs enfantins.

Côté Maman

Je me revois petit, tout petit, aller chercher des œufs dans le poulailler et pleurer, un matin, parce que ma sœur y était déjà allée. Je me souviens des couchers de soleil sur la plage, en sortant de la crêperie, des camions qu’il fallait dépasser avec la DS et la conduite incertaine de ma mère. Du goût d’une crêpe au sucre grignotée du bout des doigts, assis sur un muret. D’un été à Trouville, de la tournée des restaurants, d’un samedi passé à la laverie automatique et de vingt francs dépensés en malabars Chevaliers du Zodiaque, de ma première sole meunière (“parce qu’il n’y avait plus de viande au marché ce matin” m’a dit le chef cuisinier), des longues soirées à éplucher Onze Mondial. Il y a aussi eu Porspoder, le village-vacance et les olympiades du samedi matin, avec la remise des médailles par Monsieur le Maire en personne. Deux ou trois séjours montagneux, également. De vagues images qui palpitent, de 2000. Un regard étonné de sa part en me voyant tenir une main, en 98. Une explosion de joie incroyable, un certain 12 juillet de cette même année. Et puis, Reims. Comment ne pas parler de Reims ? Le passage annuel obligé, chez Tata Colette et son appartement venu d’un autre temps. Le passage par les “Galeries La Layette”, la fascination devant le steak haché chez le boucher, le sourire de l’Ange et les après-midi au jardin des Cordeliers

Côté Papa

Je me souviens aussi de l’accent paternel de ma France, en Alsace, au camping municipal de Masevaux, à explorer les régions de l’Est, de Mulhouse, de Strasbourg, des randonnées à n’en plus finir, du Haut-Koenigsbourg, de la place Stanislas et de l’attente fébrile au moment d’aller la frontière vers l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse, nos cartes d’identités bien serrées dans nos mains. Il y a aussi la découverte de la neige, à Praz-sur-Arly, l’appréhension d’une première séance et les longues semaines hivernales, rituelles aux Karellis, en Maurienne, commencées avec un flocon et conclues par une étoile dorée quelconque. Avec mon père, il y avait également cette habitude – extraordinaire – de partir quelques jours quelque part. J’ai ainsi eu la chance de découvrir la Normandie, les plages du Débarquement, le pays du Grand Meaulnes, Bourges et la Somme, la réserve du Marquenterre, la tapisserie de la reine Mathilde et Saint Nazaire. Il y a eu cette nuit où une omelette trop fraîche m’a fait vomir tripes et boyaux sans me laisser une minute de répit, cette confrontation à la gentillesse d’un conservateur qui est allé photocopier des archives personnelles pour m’aider à faire un exposé, ces moments précieux d’échanges entre Père et Fils, sur les nationales. Je n’oublierai jamais, non plus, cet été dans le Lot, à Cazals. J’avais embarqué ma chaîne, mes CDs et toutes mes idioties d’adolescent. Je revois Gourdon, Rocamadour, la cueillette des mures et la peur d’être arrêté sur le chemin du retour (parce que le Permis était resté à la maison). Une rencontre improbable avec un luthier hollandais et sa maison construite en bordure d’un ravin. La beauté de Conques. Le réveil par les oiseaux. Un tout premier voyage en avion à Nice et Monaco, dont j’ai ignoré la destination jusqu’au moment d’embarquer. Les week-ends motorisés à Montlhéry, à la Ferté-Allais. Le grondement des moteurs sur l’asphalte et les évasions avec les copains pour aller jouer au foot plutôt que de s’extasier devant les rutilantes machines. La tournée des stades de foot, en écho aux patinoires de ma sœur. 

Côté entre potes

Les Cévennes et un moment qui me fait encore frissonner : mon émerveillement devant les paysages du Sud. J’avais une vingtaine d’années et je descendais rejoindre des amies, vers Alès. Depuis mon siège de TGV, j’ai tourné la tête et je n’ai pu décrocher avant l’arrivée. Cette beauté, ô lecteur, cette beauté ! Je revois encore ce festival de couleurs, ce ciel d’un bleu où l’on veut se noyer et ce sentiment d’être entré dans un rêvé à trois cents kilomètres par heure. Ces étés dans les Cévennes, d’ailleurs, restent des moments privilégiés. Avec Sophie, Anne, Pierre et les autres. L’impression délicieuse de faire partie d’une famille, dans cette grande maison un peu brinquebalante, aux milles et une histoires. D’ailleurs, nous avons voulu y retourner, un été, par surprise, en voiture et avec deux copains. Un Paris-Alès d’une traite, sans réfléchir, portés par l’optimisme de la jeunesse. Une ligne pas très droite, conclue en eau de boudin lorsque nous avons découvert que nos amies étaient parties passer le week-end ailleurs, à deux cents kilomètres de là. Du coup, après un arrêt au Café de France (et moults lamentations), nous avons erré jusqu’à Montpellier, imaginé passer la nuit sur la plage de la Grande Motte avant de remballer à toute vitesse dans l’autre sens. Un aller-retour qui est entré avec fracas dans notre Hall of Fame des plans foireux mais inoubliables. La France entre potes, c’est aussi des choses plus récentes, comme le Pêchistan avec les blogueurs, les excursions dans le Perche ou les séjours à Annecy, que j’aime autant que je maudits, à force d’y aller depuis ce qui me parait être une éternité.

© Mitchka // Fish and Child

Côté Solo

Paris. Quoi d’autre ? Cette capitale où je suis né, où j’ai grandi, que j’ai quitté pour mieux revenir, encore et encore et où je réside aujourd’hui en me disant que l’herbe est forcément plus verte ailleurs. Je l’aime autant que je la hais et je ne peux rien y faire. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé de vivre ailleurs. Une saison d’hiver à Valmeinier. Des colos un peu partout, des classes découvertes dans tous les coins du Pays, des tréfonds de l’Aisne aux villes balnéaires bretonnes en passant par l’Auvergne. Bizarrement, presque paradoxalement, je n’ai que très peu voyagé en solo en France, ce qui fait que je n’ai guère de choses à raconter, finalement !

Côté Famille (V2)

L’arrivée de Fils a entraîné quelque chose d’imprévu : la nécessité de voyager mieux, moins loin, plus efficacement. Alors, comme nous ne sommes pas du genre à chercher midi à quatorze heures, nous avons tapé là où c’est évident, autour de nous. La Bretagne, Dijon, le Perche, Annecy, l’Aisne, Toulouse, l’Aveyron, la Thiérache ou encore Marseille et le Lubéron. Au rythme de notre marmaille, nous réapprenons à voyager lentement, tranquillement (“tranquillement, vue ta capacité à t’énerver pour un rien, c’est vite dit” dirait #DeT). Nous goûtons de nouveau des plaisirs simples, authentiques, humains et tellement français. Je redécouvre mon propre pays par les yeux de mes enfants et j’enrichis, voyage après voyage, le recueil de nos souvenirs communs. Je l’ai vu pleurer sur une plage du Pays Basque, rire aux éclats devant des moutons, être effrayé par sa première sortie sur une luge, en adoration devant les lumières du Mans, fasciné par les voitures de l’Aisne. La grande n’est certes pas en reste et ne donne guère sa part aux alpagas quand il s’agit de débusquer les marmottes le long d’un GR ou de prendre la pose devant un paysage féerique.

Le fin mot de l’histoire 

Nous avons la chance – que nous ne réalisons probablement pas – de vivre dans un pays fabuleux, d’une diversité terrifiante, doté de patrimoines hors du commun, qu’ils soient culinaires, historiques, immatériels ou autres. La surprise, la découverte se cachent à chaque coin de route, dans un village perdu au fin fond de l’Ardèche, dans les ruelles sombres du Nord-Pas-de-Calais, au sommet d’un volcan auvergnat ou au creux d’une anse bretonne. Il y a tant et tant à observer, de lieux où aller, de musées à visiter, de sites naturels à contempler qu’une vie entière ne semble pas suffire à en parcourir la moitié. Je rêve de voir les Châteaux Cathares, de visiter le Palais du facteur Cheval, de monter sur un terril en chantonnant les Corons, de manger une bouillabaisse à Marseille, d’aller sur le Causse Mejean, de prendre les chemins des douaniers et ceux des contrebandiers, de monter sur le Pic du Midi, de voir le Forez, l’Allier, l’Ardèche ou de retrouver mon Lot. La liste de ces envies, de mes envies, est longue, improbable et source de joie. Parce que je sais que ce pays, ma France, notre France est un trésor à ciel ouvert, inépuisable, d’une richesse insoupçonnée. Parce que je sais aussi que seront nombreux les voyages, belles les retrouvailles et idylliques les rencontres. Parce que je sais qu’il y a énormément d’ailleurs mais qu’il n’y a, envers et contre tout, qu’un seul ici.

En France, aussi.

Dans le cadre du cinquième anniversaire #EnFranceAussi, je vous invite à aller lire d’une part les articles parus hier, mardi 12 juin, chez Mathylde de Mordue de Voyages et Sandrine de OneTwoTrips ainsi que, d’autre part, ceux à paraître jeudi 14 chez Pauline de Petites Evasions et Grandes Aventures et Katou de Touristissimo. Sachez d’autre part qu’un chouette concours est mis en place et que vous allez pouvoir gagner un chèque cadeau d’une valeur de 200€ (merci les Gites de France !). Pour participer : Il suffit de commenter l’article du rendez-vous dont on souhaite gagner le lot et de commenter de nouveau sous l’article concerné sur la page Facebook du rendez-vous