Colors of Aberdeen

Imaginez que vous venez de passer une semaine aux Shetlands, que vous avez quitté Lerwick la délicieuse la veille au soir et que vous avez une journée entière à occuper avant de prendre votre bus pour Paris via Londres. Imaginez de même que la nuit précédente, vous n’avez que peu dormi, allongé sur un matelas entre deux rangées de sièges, dans la salle de cinéma du gros, gros ferry qui vous ramenait d’une ile vers une autre. Imaginez enfin que l’endroit où vous devez rester est présenté comme l’une des villes les moins sexys de l’Europe, que c’est un port d’attache mafieux cité dans Gomorra et que sa principale fierté est d’être l’une des bourgades les plus industrieuses du Royaume-Uni. Imaginez passer 14 heures à errer, abruti et fatigué, en terre inconnue, en terre écossaise… En terre d’Aberdeen !

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Colors of Aberdeen

Grise comme la pierre

Découvrir une ville inconnue alors que l’on est dans un état semi comateux est une expérience que je qualifie sans souci d’aussi éprouvante qu’inoubliable. Il faut dire aussi qu’avec Georginou, nous avions sérieusement donné le bâton pour nous faire battre. Radin devant l’éternel, je n’avais pas voulu considérer l’option aérienne pour rejoindre les Shetlands. Sachant que mon budget transport était, pour ce coup, de 60€ max, le choix avait été vite fait: bus pour Aberdeen depuis Paris via Londres et Glasgow, soit grosso-modo, deux jours complets sans (bien) dormir et ne bouffant que des (savoureuses) cochoncetés.

De mon premier contact avec la ville, je ne garde que des souvenirs confus. Je me rappelle une frénésie ambiante, une atmosphère industrieuse et grise, assez froide et agressive. L’air était chargé d’embruns et de fumée, les bus circulaient sans arrêt et mes oreilles étaient agressées par les vocables des haut-parleurs, annonçant tel ou tel départ. Autour de moi, tout n’est que mouvement, futilité et rapidité. Les gens s’engouffrent, en cette heure matinale, dans les transports et je suis, avec mon gros sac, un obstacle indésirable sur le chemin de leur existence.

Une fois débarrassé de celui-ci, laissé à la consigne local, après une longue fouille de la part du responsable qui ne voulait pas entendre parler de bouteille de gaz, de réchaud ou autre instrument de mort, j’ai du me rendre à l’évidence et constater que mon planning de la journée était tel un désert: vide, inexistant, long et inhospitalier. Heureusement, il existe dans ce bas monde de bien belles structures destinées précisément aux personnes dans mon cas: les Offices de Tourisme. Aujourd’hui encore, je bénis le jeune stagiaire que j’ai eu la chance de rencontrer et qui m’a orienté, fort convenablement, vers un walking tour de 3 heures à travers la ville, qui m’a indiqué les musées, les prix et les endroits où se reposer. Il était jeune, vaillant et visiblement heureux de pouvoir venir en aide à un Cédric paumé/fatigué/harassé/démuni. Grâce lui en soit rendu !

Bleue comme l’océan

Cité aussi changeante qu’abrupte, la capitale présumée du Shire écossais recèle bien des surprises. Après que j’eusse trainé mes guêtres du côté du remarquable musée maritime (vraiment bien foutu et où j’ai tout compris au fonctionnement des plateformes pétrolières), le tour a vraiment débuté le long de la plage. En ce mois d’août au ciel dégagé, le temps semblait s’être arrêté au fil de mes pas. Au loin, la mer et seulement la mer. Le sable est quasiment désert et le promenade bétonnée semble se diriger vers l’infini, une ligne droite sans début ni fin. J’apprécie ce sentiment de tranquillité et je laisse mon esprit vagabondé, bercé par le ressac et les mouettes.

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Cependant, cette quiétude est fausse. Si le paysage à ma droite est détendant, celui que j’aperçois à ma gauche est plus troublant, bétonné, aride. De grosses bâtisses pointent à l’horizon et troublent la skyline apaisante que je m’étais construite en déambulant. Quelques tags du plus mauvais aloi me font penser que je suis aussi ici dans une ville touchée de plein fouet par la crise et que certains soucis y sont aussi présents qu’ailleurs.

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Je quitte finalement assez vite mon beloved front de mer pour longer une route relativement fréquentée. A ma grande surprise, les lieux m’offrent une vision urbaine peu courante sous nos latitudes: les HLM sont situées à côté… d’un terrain de golf !

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Verte comme la Vie

Au détour d’un virage, je rentre dans un tout autre univers et je reprends – littéralement – des couleurs car me voici plongé en pleine nature, dans un secteur aussi protégé que confidentiel de la ville. Après le (passager) tumulte urbain, je goûte avec délice à ce retour dans le vert. Des abris permettent d’observer les oiseaux et de bien joyeux compagnons gambadent le museau à l’air, cherchant de quoi se nourrir au détour d’un sentier…

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Quelques centaines de mètres plus tard, je suis confronté à un morceau d’Histoire, un vrai, l’un de ceux qu’on ne s’attend à rencontrer dans une ville comme Aberdeen: le plus vieux pont du Royaume-Uni construit – probablement – en 1320 et qui porte le ravissant nom de Brig o’ Balgownie.

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Aux alentours, la vue ne change pas, le décor reste forestier et, malgré mon état de plus en plus catastrophique, je ne regrette pas de m’être lancé dans cette randonnée.

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Un peu plus loin, c’est au travers d’un parc que je passe, puis d’un cimetière et d’une église dont je ne garde aucun souvenir architectural. Par contre, je me rappelle très bien la rencontre avec un chanoine local qui m’a donné, très souriant et heureux d’avoir de la compagnie, un dépliant en français retraçant l’histoire du lieu mais qui avait du être traduit en 754 avant JC, dans une langue visiblement parlée par des ostrogoths tellement l’orthographe, la syntaxe et le sens global du truc étaient immondes et faisaient saigner mes yeux. Résultat des courses: je me suis retrouvé assis à un pupitre, à corriger chacune des x² fautes, essayant de redonner un sens à ce fatras innommable. Je ne sais pas si mon initiative a vraiment eu un effet mais mon petit cœur de francophone a retrouvé de l’ardeur grâce à cette tâche.

Avançant encore et encore (et ayant entre temps laissé derrière moi le Chanoine dont l’amabilité m’a fait me poser quelques questions après coup), c’est avec ravissement que je découvre le sublime quartier étudiant d’Aberdeen. Vivant, historique et ô combien britannique de par l’agencement des lieux, j’ai l’impression d’être dans une autre ville. Des petits musées se cachent dans les bâtiments, la foule est jeune, souriante et enjouée et je me dis que j’aurais drôlement aimé faire une année Erasmus ici tellement l’atmosphère y est positive et rigolarde.

Rouge comme le Sport

La toute fin de la randonnée amène vers l’un des endroits que je voulais à tout prix contempler: le stade de foot local. Si vous le savez pas, prenez donc note de ceci:

Résident du Pittodrie Stadium depuis sa création, le club évolue sans discontinuer en championnat d’Écosse de football depuis 1905. Il a remporté quatre titres de champion d’Écosse et sept coupes d’Écosse.

Le club connaît son heure de gloire au début des années 1980, quand Alex Ferguson mène le club à un triplé historique en coupe d’Europe des vainqueurs de coupe, supercoupe de l’UEFA et coupe d’Écosse en 1983, puis au doublé coupe-championnat l’année suivante. À ce titre, Aberdeen est à la fois le dernier club écossais à avoir soustrait un titre de champion au Old Firm (le duo formé par le Celtic Glasgow et le Glasgow Rangers), et le dernier à avoir remporté une coupe d’Europe.

Aberdeen détient également le record de trophées européens remportés par un club écossais.

Source

Seul souci pour mener à bien ma mission: ledit stade est fermé au public et ne semble pas offrir le moindre accès planqué. Cependant, ma légendaire confiance en la nature humaine ne m’a pas trahi puisque, après deux minutes de conversation avec un responsable de la boutique de souvenirs, j’ai pu accéder à la pelouse et m’imprégner de cette ambiance sportive que j’aime tant, lorsque les lieux reposent en majesté, attendant calmement les futures clameurs de la foule en délire.

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Blanche comme la Surprise

Il était dit que mon histoire avec Aberdeen ne s’arrêterait pas là. En terme de conclusion à cette journée, je suis tombé sur une extraordinaire exposition, aussi simple que géniale et qui a égayé ma fin de journée, me faisant rigoler comme un bossu et penser comme un philosophe. C’est avec cette petite sélection de panneaux que s’est conclue mon errance !

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