Bébé n’est plus, Petit Garçon s’en vient.

J’ai l’impression que c’était hier. Tout petit, il était blotti contre moi, fragile, délicat, menu. Ses yeux clos, ses poings serrés, je le tenais fort, encore tout étonné et remué par cette rencontre programmée neuf mois auparavant. Mon fils, ce petit bébé, était né la veille, et pendant cette première journée sur Terre, je découvre le bonheur du peau à peau et cette immense fierté teintée de peur qu’est la paternité et son appréhension.

Quatorze mois et bien des aventures plus tard, je regarde, toujours aussi émerveillé, ce petit bout d’Homme grandir à une vitesse folle. Campé sur ses jambes, il fait ses premiers pas, rigole, tombe, chute, se relève encore et encore. De temps à autre, il s’applaudit, lance des regards curieux autour de lui, rigole et repart, tantôt à quatre pattes, tantôt debout. Hier, il a mangé seul pour la première fois. Sa petite main encore malhabile solidement refermée sur une cuillère-pingouin, il engloutit une part de purée, presque étonné lui-même d’avoir réussi. Assis en face de lui, je manque de me décrocher la mâchoire tellement je souris. Ce n’est plus un bébé et je dois faire mon deuil de cela.

Bébé n’est plus

Lorsqu’on prend conscience de l’unicité de chaque moment, on ne peut que vouloir vivre les secondes au paroxysme de leur puissance. A cet âge magnifique où tout est source de quelque chose – émerveillement, attachement, colère, gratitude, rire, pleurs – j’ai l’impression d’être dans une quête perpétuelle.

Je ne veux rien manquer, rien rater. J’espère être toujours là, avide de tout voir, de tout ressentir, de tout immortaliser. Ses premières fois sont également les miennes. Sachant que ce que je vis est périmé dans la nano-seconde même, je suis obsession, je suis over-connexion, je suis partout et nulle part, envahissant, omniprésent, collant. Je le dévore des yeux, des sens, de l’appareil, de la vidéo.

Savoir, au sens le plus vaste du mot, qu’une page se tourne lorsque le Bébé grandit, est une douleur lancinante, attristante. Être déjà nostalgique alors que sa vie (nos vies, en réalité) ne fait que commencer me laisse un goût amer. Je voudrais pouvoir, des fois, stopper le temps, pouvoir revenir un peu en arrière et savourer de nouveaux quelques instants fugaces et immortels. Son premier bain, son arrivée à la maison, son premier rire. Égoïstement, je voudrais ne jamais le voir grandir, le voir rester un poupon, ce bébé encore tout frémissant que je prenais fièrement en écharpe jour après jour, fier, fier, fier !

Petit Garçon s’en vient

De grands yeux bleus fixés sur un pigeon et un “rourou” volatil qui s’envole de sa bouche. Au loin, une sirène retentit et c’est “Pin Pon” qui s’en vient, suivit d’un “e’gad” et d’un doigt pointé vers une chose indéfinie. Cramponné à mon doigt, nous avançons, tous deux debout, au milieu du parc, sous le regard attendri des parents présents.

Tout au long des mois qui séparent ce moment de sa naissance, je savoure la chance d’avoir pu et de pouvoir le voir grandir. Papa au foyer, Père à la maison, je ne regrette pas une seule seconde cette décision prise de façon commune avec #DeT. Vivre ces instants d’une intensité exceptionnelle, tisser des liens d’une force insoupçonnée, connaître mon fils et le voir s’épanouir, pour en arriver à ce constat que je ne peux réfuter :

Il n’est plus un bébé.
Il n’est pas encore un Petit Garçon.

Alors, qu’est-il donc ?