Une certaine idée

Toute ma vie, j’ai défendu une certaine idée du voyage.

En paraphrasant bassement un certain Général parlant de notre pays hexagonal, je tente ici de lancer une réflexion plus ou moins poussée sur ce phénomène qui nous pousse à tout quitter, d’un jour à une vie, à aller chercher plus loin cette herbe nécessairement plus verte ailleurs, à repousser les limites ou, au contraire à juste profiter d’une ouverture temporelle propice à l’éloignement et à la détente.

Qu’est ce donc qui me passe par la tête lorsque j’écris ces quelques lignes ?

Je suis plongé dans les souvenirs d’une jeunesse et d’une adolescence passée dans la Capitale. Lorsque les vacances venaient, il était bien rare que je restasse à Paris. De par la grâce d’un paternel porté sur les randonnées alpines en milieu germanophile ou d’une mère plus attirée par les plages bretonnes, j’ai souvent eu la chance de pouvoir voir de nouvelles choses sans rester enfermer entre les quatre murs de mon bloc de béton intime.

Le temps du Bafa et de l’animation m’a ouvert des portes dont je ne soupçonnais même pas l’existence: celles des séjours linguistiques à l’étranger, des opportunités de pouvoir mêler travail et errance et d’être même payé (une misère) pour faire cela.

J’ai donc débuté vers 2003 par quelques modestes séjours irlandais avant d’enquiller sur mon premier camp itinérant en Italie puis de me lancer dans des destinations plus exotiques, profitant de mon Bafd tout neuf: ce fut donc le temps des océans traversés, des nouveaux continents explorés et de pays où je n’aurais jamais osé posé le pied de par moi-même. De la Californie à la Russie, en passant par les Caraïbes, l’Islande, l’Estonie ou le Canada, je me suis tranquillement forgé une expérience et une conception personnelle de ce que je voulais voir lors de ces séjours et plus généralement dans mes voyages.

En choisissant finalement de partir vivre un PVT canadien en 2009, je me suis offert la plus formidable des opportunités, en quittant tout (et rien) et en allant m’exiler dans ce territoire présumé hostile qu’on nomme le Yukon. Sans revenir sur ces temps bénis (le blog est déjà là pour ça), vous savez plus ou moins le panard titanesque que j’ai pris durant ces onze et quelques mois nord-américains. De Whitehorse à Terre Neuve, de la traversée des USA en hiver ou des roadtrips georginouiens, j’ai laissé derrière moi toute idée d’organisation, de planification, laissant un vague hasard décider des routes à prendre ou des chemins à suivre.

Et Dieu seul sait quel bien cela m’a fait.

Aujourd’hui, je vis donc mon second Permis Vacances Travail, du côté de la Nouvelle Zélande et  depuis quatre mois. C’est la première fois, en dépit de mes histoires passées, que je pars ainsi de moi-même pour une destination si lointaine et surtout que je pars seul, n’ayant pour toute compagnie que mes sacs à dos et mon ordinateur bien aimé.

C’est un choix qui n’a rien de fabuleux et qui n’est nullement marqué du sceau de l’extraordinaire, quoiqu’en pensent certaines personnes. Je pense même qu’il s’inscrit dans une logique normale, nullement spécifique à mon cas présent: je ne suis pas le premier à le faire et je ne suis probablement pas le dernier.

En choisissant de partir aussi loin – 18 000 kilomètres – je ne savais pas trop dans quoi je me lançais. Les ressources financières n’étant pas les même, il m’est impossible de calquer ici l’année canadienne et quand bien même le voudrais-je que je ne le ferais pas.

Pourquoi ?

Parce que j’ai décidé d’appliquer ici, dans ce pays et pour une durée indéfinie, ce que j’ai appris des moments passés. Je me laisse donc aller au gré des opportunités, des propositions et de ce que je trouve sympathique ou pas sur ma route. Je navigue de lieu en lieu, de rencontre en rencontre, de ferme en ville et de ville en ferme.

Je paie à cette liberté un certain tribut: une lassitude de ne jamais rester assez longtemps au même endroit, une certaine superficialité dans les rapports humains, une dépendance envers les autres dès qu’il s’agit de voyager et, de façon plus générale, une approche un tantinet casse-gueule du futur, qui n’est pas toujours rassurant.

Mais le revers – ou les points positifs à cette situation compensent tout: je touche ici et en ce moment une liberté que je ne connaitrais sans doute plus. Je vais où je veux aller, faisant ce que je veux faire et n’ayant de comptes à rendre à personne d’autres que moi (et Dieu sait que je ne suis pas toujours tendre avec moi-même).

Du voyage

Je me sais quelque part chanceux de vivre de cette façon et je sais bien que cela me sera reproché vertement à un moment ou à un autre lorsque je serais revenu au pays. Les termes d’immaturité, de refus de la normalité, de course vers l’échec ou de fuite vers l’avant, ainsi que toutes les éternelles lamentations d’autrui, venant clamer leur envie de faire de même et de vouloir tout plaquer mais ne pouvant le faire pour de sombres raisons de responsabilités, d’engagements à long terme et autres motifs tout à fait acceptables.

Je me sais également condamné à déprimer une fois revenu, quelque soit la chaleur de l’accueil qui me sera réservé. Je sais que je me lamenterais et que je gueulerais haut et fort mon envie de départ, ma haine de mon pays et de moi-même pour être revenu en dépit de.

Et pourtant, quelque soit la profondeur de cette haine et de cette amour, je suis sur qu’un jour au l’autre, je jouerais ma vie à Pile ou Face. Entre voyage et stabilité, je chercherais la meilleure façon de m’accorder entre ces deux extrêmes. Je réussirais à concilier cette vie de famille entraperçue le temps de quelques mois avec cette bougeotte perpétuelle qui est la mienne.

D’ici là, le chemin est encore long qui me ramènera vers l’Amère partie et l’anormalité. Il me reste environ huit mois pour profiter autant que je le peux des merveilles placées sur ma route et dont les noms résonnent dans ma tête: Catlins, Stewart, Fjorland, Asie, Chine, Japon et Sitchuan.

Vous êtes sur le blog de Cédric, voyageur autoproclamé et rêveur assermenté.

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