Quand colonie rime encore avec ennuis

Second volume de ce recueil d’anecdotes “Made in Animation” avec, pour ce jour, d’autres épisodes médicaux authentiques, vécus aux quatre coins de la Planète.

Quand colonie rime (encore) avec ennuis

“Je crois que je suis enceinte”

En 2005, j’ai été recruté pour un séjour itinérant en Italie de 3 semaines avec un public bien particulier: des jeunes de foyers, en rupture plus ou moins totale avec leur foyer/famille/étude. Le programme était alléchant: de Naples à Venise en passant par Rome et la Toscane, en bus de luxe et camping à chaque fois, entrecoupé de visites, excursions et autres activités classiques d’un été italien.

Dès le voyage aller au départ de Metz, j’ai commencé à entrapercevoir l’envers du décor, notamment avec un coup de foudre assez hallucinant entre Miss Tinguette et Mister Ieux qui, se connaissant seulement depuis une dizaine de minutes, ont décidé de se lancer dans un concours de galoches, dans une soupe de langue, dans un vol de chewing-gum de première classe: un beau et gras baiser.

C’est au second soir de ce séjour que prend place le petit dialogue que voici, entre Miss Tinguette et moi-même:

– Cedric, je peux te parler ?
– Bien sur, qu’est ce qui se passe ?
– J’ai un petit souci…
– Qu’est ce qui t’arrive, t’es enceinte ?
 (Gros blanc)

La demoiselle m’explique alors, qu’en effet, elle pense être enceinte, n’ayant pas eu ses règles depuis “un bon bout de temps”, qu’elle “a eu sa première fois juste avant le séjour” et qu’ils “ne se sont pas protégés”.

…………..

Je suis resté silencieux pendant une petite minute, pensant “merde, merde, merde”, assurant ensuite à Miss Tinguette que “je m’en occupais rapidement”, m’enquérant au passage de savoir si “ça ne la dérangeait pas que j’en parle à l’AS (Assistante Sanitaire aka Madame Bobo)”. Je suis donc allé voir vite, très vite Constance (ladite AS) pour lui refourguer la patate chaude, avec ce sentiment bizarre et vaguement honteux d’avoir mis quelqu’un d’autre sous le tas de merde prêt à se déverser.

Bilan des courses: grosse réunion, excursion au premier hôpital venu le lendemain et test de grossesse qui s’est, au final, avéré négatif.

Du Valium, du Valium

Aux Caraïbes, l’été, il fait chaud, très chaud. Du coup, qui dit chaleur dit malaise vagal et qui dit malaise vagal dit médecin.

Vers l’un des derniers soirs du séjour, trois jeunes tombent à la suite dans les pommes alors que le soleil est lui aussi tombé depuis longtemps (mais pas dans les pommes, c’est une autre histoire). Partant du principe qu’il vaut mieux prévenir que guérir, j’embarque avec mes jeunes dans un taxi, direction le seul toubib ouvert dans le coin une fois la nuit venue, à quelques vingt kilomètres de là.

Le sieur qui nous reçoit dans un beau cabinet est tout à fait charmant, aimable et semble maitriser par cœur les arcanes de la science médicale. Pour preuve, il nous explique pas à pas sa réflexion, avec un didactisme fou, se basant sur les symptômes décrits et sur ses observations, éliminant au passage les éléments superflus et allant presque droit au but.

Chouette, me dis-je in petto, voila une affaire rondement menée !

Cependant, mon sourcil s’est légèrement haussé lorsque est venu le temps de la prescription médicamenteuse: Valium, Valium et encore du Valium.

“Car, n’est ce pas, c’est ce qui me parait le plus adapté à la situation présente, compte tenu des éléments antérieurs et de ceux qui ne manqueront pas d’apparaitre”.

Or, aussi confuse soit ma connaissance médicamenteuse, il me semblait que le Vallium était plus une espèce de psychotrope destiné à calmer les hystériques et non pas un remède tout indiqué pour des ados victimes de malaises vagaux. C’est donc avec forces sourires, courbettes et remerciements que nous avons fui à toute vitesse l’antre de ce chamane des temps modernes, bien décidés à ne plus y revenir !

(Pour la petite histoire, nous n’avons bien sur pas acheté ce Valium et nous nous sommes contentés de transmettre les ordonnances au médecin traitant en France, à charge à lui d’en faire ce que bon lui semblerait !).

De l’Assurance de rester en Russie

Saint-Pétersbourg est une belle ville.
Les russes sont des gens aimables, fiers, ombrageux et susceptibles.

Les ados qui y font des séjours s’amusent, s’éclatent, vont des gargottes et y mangent de tout. Certains d’entre eux s’offrent même le luxe d’une intoxication alimentaire à base d’œufs, obligeant le directeur à appeler en urgence une clinique conseillée par l’Auberge.

Aussi, quand une ambulance déboule toute sirènes hurlantes dans la cour, que le verdict est “Vite, vite, à la clinique, c’est la peste bubonique”, que je me retrouve à skyper le bureau français de l’assurance en disant “Bordel, ado malade, ambulance russe, diagnostic mauvais, soins pris en charge ?”, que la réponse est “Mais oui, m’sieur !”, c’est donc dans une légère incertitude que je me retrouve.

Une nuit plus tard, alors que j’ai laissé mon pauvre ado’ sur son lit, transfusé de partout, que je me suis paumé dans SP, que j’ai failli mourir en taxi et que je retrouve enfin la clinique, tout semble aller pour le mieux et la Peste Bubonique précitée n’est plus qu’une “grave déshydratation ayant requis plein de supers machins super chers pour en venir super bien à bout”.

L’état de Polo (oui mon ado s’appelle Polo épicétou) étant en effet normal (il marche et il a faim), je pars donc régler les détails administratifs auprès de la délicieuse, gironde et désirable Nastasia, une russe anglophone du meilleur aloi. Alors que je ne pense avoir qu’une simple fiche de sortie à signer (remember l’assurance), c’est une note astronomique de Two thousand and five hundred euros qui m’est présentée, réglable de suite et en vitesse.

Seul souci: CB Kaputt, montant trop élevé et assurance française pas du tout au courant de l’histoire.

……………………………………. (bis)

On a passé, avec Polo, dix heures (oui DIX heures) dans la clinique. Tout nous a été proposé: paiements échelonnés, virements internationaux, cash, liquide, organes, bouteilles de vodka, détour par la Guépéou et le KGB, chantage affectif (Toi pas avoir parents en France ?), sentimental (Petite ami pas aimer toi ?), familial (Couper bras et envoyer famille !) et ainsi de suite. Tout au long de ces dix heures, je n’ai rien lâché, me contentant d’harceler, via le standard local, l’assurance idoine et leur faire comprendre “qu’il fallait mieux qu’ils se magnent le fion s’ils ne voulaient pas nous récupérer dans un goulag en Sibérie”.

Après un ultime coup de fil et une négociation des plus ardues, Nastasia, de guerre lasse, m’a donné à signer un papier stipulant “que je m’engageais à ne pas quitter la Russie tant que les frais n’était pas payés, sous peine de graves sanctions et d’ennuis diplomatiques de premier ordre”. J’ai annoté, rayé, mentionné, photocopié et, finalement, signé ce bout de truc nous autorisant à quitter la clinique.

Le lendemain, un poil tendu et le cœur battant, j’ai rappelé: tout avait été payé et c’est libre que j’ai pu quitter le souverain territoire soviétique…

La moralité de ces histoires ?

Je vous laisse la trouver !