La folie du PVT

Hier, les 6750 permis dits PVT » pour le Canada se sont écoulés en environ 50 heures. L’ambassade aurait reçu, selon témoins, 12 000 demandes.

Avant de revenir avec vous là-dessus, un petit retour explicatif s’impose…

Le PVT, c’est quoi ?

Le PVT (Permis Vacances Travail) est un permis de travail ouvert permettant à des jeunes français, âgés de 18 à 35 ans de partir dans un autre pays pendant une année entière.

Fonctionnant de façon bilatérale, sur un système de réciprocité dans l’échange, les bénéficiaires peuvent faire (quasiment) ce qu’ils veulent pendant leur année: voyager, travailler ou mixer les deux, à condition bien sur de remplir les conditions demandées et respectives à chaque pays.

A ce jour, sept programmes sont actifs: Canada, Australie, Nouvelle Zélande, Corée du Sud, Japon, Singapour et Argentine.

Pour en savoir plus à ce sujet, une seule adresse:

Depuis quand ça existe, pour combien de places ?

Fournie par le même site internet, cette très belle infographie apporte pas mal de réponses:

(Source: http://pvtistes.net/infographie-pvt-canada-depuis-2005)

Les chiffres sont éloquents: 3000 places en 2006 écoulées en 172 jours, 6750 en 2012 écoulées en 50 heures.

La fermeture des Quotas

Étant concerné d’assez près par tout cela, je m’attendais à ce que ce quota s’écoule à une vitesse assez conséquente. J’aurais volontiers parié sur une dizaine de jours voire même une semaine. Aussi ai-je été éberlué quand j’ai lu le message affiché sur la page d’EIC (Expérience Internationale Canada):

La catégorie Vacances-Travail (PVT) 2013 est maintenant fermée.

Veuillez noter que nous n’accepterons aucun dossier envoyé après le vendredi 9 novembre 2012 (le tampon de la poste en faisant foi). Assurez-vous que le tampon de la poste indique clairement et lisiblement la date d’envoi de votre dossier.

Il n’y a pas de liste d’attente. Les informations concernant l’ouverture de la catégorie Vacances-Travail (PVT) 2014 seront affichées sur cette page au courant de l’automne 2013.

Les années précédentes, les responsables de l’Ambassade mettaient à jour un compteur descendant au fur et à mesure de la réception des dossiers, ce qui permettait de se faire une idée assez juste de l’état des choses.

Cette fois-ci, il n’en a rien été ou presque: le passage de 6750 à 0 s’est fait d’un coup, aussi brutal et sec qu’inattendu.

Ce qu’il s’est passé

Tout le monde s’est rué sur ce PVT comme le chat sur la souris: à pleine vitesse, caché dans l’ombre, toutes griffes sorties et sans pitié aucune.

Aussi conséquent soit-il, le dossier en lui-même n’a rien de diabolique si l’on prend le temps de faire les choses correctement, de bien lire les divers tutoriels mis à disposition (ceux de l’Ambassade, celui de PVTistes mais pas celui de l’OFQJ hein !) et – élément essentiel ! – si l’on a préparé un tantinet les choses en amont.

Du coup, beaucoup de personnes avaient de facto un dossier complet à 90% (photos, CV, lettre de motivation, attestation bancaire…) et n’ont plus eu « qu’à » remplir les feuilles administratives demandées et à poster le tout dans des délais extrêmement courts.

Là où, dans le passé, le candidat pouvait se permettre de réfléchir, de se donner une marge de réflexion  en analysant les choses et en allant y doucement, il n’y eu cette fois aucune de ces possibilités: seuls les plus rapides et les plus efficaces ont pu posté leur demande dans le délai imparti (à savoir donc les fameuses cinquante heures).

Pourquoi ?

Six ans auparavant, le PVT était encore une chose très méconnue, informelle et réservée quasiment à quelques initiés (sacrifice d’une vierge blonde au solstice de lune, lecture des entrailles d’un chien roux, danse rituelle autour d’un totem..)

Année après année cependant, sa notoriété a évolué, de même que d’autres petits frères ont vu le jour.

La couverture médiatique est montée logiquement en puissance ainsi qu’une communication très efficace de la part du Canada et notamment du Québec, très forte pour présenter la Belle Province comme l’endroit où aller et vantant de très belle manière les avantages de la vie outre-Atlantique (en passant bien entendu sous silence les quelques inconvénients existants).

On pourra également parler de quelques épiphénomènes (dont le déplorable « Barrez-vous »), symptomatiques  d’une jeunesse qui veut de plus en plus voyager et pour qui cela est de plus en plus facile (Schengen, faible coût global des transports, apparition et développement du Wwoofing et de l’HelpX, cartes internationales de type InterRail, CouchSurfing…).

Le résultat des courses est (relativement simple) au vu de cette équation (simpliste, je vous l’accorde):

Crise+volonté d’aller à l’étranger+ possibilité d’émigration à long terme+ facilité du permis de travail+pays francophone+ eldorado présumé= tout le monde veut y partir.

Quels changements ?

Auparavant, le PVT était clairement tourné vers des aventuriers plus orientés bourlingue qu’émigration. Maintenant, c’est devenu, au grand dam de certains, un premiers pas dans des démarches à plus long terme (un CSQ puis une RP) bien que cela soit formellement interdit en théorie.

D’autre part, il y a fort à parier que le système d’attribution va être changé, du moins sérieusement remis en cause. Le Canada a toujours (et ne s’en cache pas) mis en place un système d’émigration sélective, basé sur des critères professionnels, économiques, orientant nettement ses besoins humains là où le besoin s’en fait sentir.

Or, le PVT n’a jamais été conçu dans ce but et il serait très fortement dommageable, pour tous, qu’il ne remplisse plus sa fonction première.

Pour conclure

Avec plus d’un an d’avance, certains commencent déjà à préparer leur demande pour 2014. De même, l’Ambassade propose de laisser son courriel pour être tenu informé de l’ouverture de la prochaine session.

A l’heure où l’expatriation est une expérience quasi obligatoire pour qui veut réussir, il est bon de rappeler trois choses:

  1. Le Canada n’est pas une Terre Promise, ni un Eldorado ni un Paradis sur terre.
  2. Il existe 6 autres PVTs donc autant de possibilités de voyages et de découvertes
  3. VIE, VIA, VFA, SVE, VSI…
  1. Je fais partie de ceux qui déplorent que de nombreux candidats à une expatriation au Canada se servent du PVT comme d’une passerelle vers la résidence permanente. Jusqu’ici, ça ne m’énervait pas plus que ça. Cette année, j’ai hurlé en apprenant que 12 000 demandes avaient été reçues. Car on peut parier que nombreuses de ces demandes sont pour au final s’établir au Canada. :O

  2. Quelque part, c’est presque logique et on ne peut vraiment en vouloir aux gens (malgré le ton de mon article) de vouloir profiter de l’opportunité « offerte » par le PVT.

    A suivre !

  3. Ce soir, au 20 h de France 2, on parlait expatriation des jeunes au Québec. L’un des témoignages est un cas d’école :
    une jeune française, qui trouve que sa carrière est au point mort en France, veut émigrer au Canada et decide d’aller y trouver un emploi, AVEC UN PVT.

    Je ne souhaite pas ici relancer le débat sur l’usage que chacun fait de son PVT (on en a déjà parlé ailleurs sur ce blog) mais, en entendant le témoignage, je n’ai pu m’empêcher de penser : c’est pas un PVT qu’il lui faut, c’est un JP. Et je suis retourné sur le site de l’ambassade pour en avoir le cœur net.

    JP : Cette catégorie est destinée aux jeunes professionnels français souhaitant se perfectionner dans leur champ de compétences, sous couvert d’un contrat de travail.
    PVT : Cette catégorie est destinée aux jeunes Français souhaitant effectuer un séjour de découverte touristique et culturelle, tout en étant autorisés à travailler pour compléter leurs ressources financières (12 mois).

    Sur les 12000 demandes de PVT reçues cette année, combien étaient qualifiables pour la catégorie JP ? Personne ne saura jamais. Mais l’an prochain, j’amerai que pvtistes.net commencent leur tutoriel PVT par la question suivante : « Le PVT est-il le permis qu’il vous faut ? ».

    1. C’est une bonne question et je pense que j’y reviendrais tantôt.

      Par contre, après avoir visité Destination Canada et m’être entretenu avec beaucoup de candidats, il est clair que le PVT devient de plus en plus un permis de travail « pur »et semble perdre sa vocation touristique.

  4. Personnellement, je n’avais jamais vu le PVT comme un moyen d’émigration à long terme.

    Le problème de cette ruée vers l’or ne serait il pas justement la présence de quota fixe et de date d’inscription…
    Il serait bon, au vu de cette année de remettre un peu d’ordre, pour qui? où? comment? conditions?

    Parlons de cette pseudo lettre de motiv, que l’on peut découvrir en masse sur tous les sites consacré au PVT… Heu, des motivations c’est personnel non? Si t’as besoin d’idées sur tes motivations, c’est peut être qu’il faut revoir la question de base?
    En aucun cas cette fameuse lettre de motiv est un point de sélection… Dommage!

    Et puis au risque de paraitre avec une opinion qq peu arrêté, le côté découverte touristique et culturel, il est où dans un pays francophone?!
    J’aimerais connaitre les stats de « PVT Quebecois » par rapport au nombre de PVT canadien anglophone!

    Sans aucun jet de fleur, le Yukon, ça au moins c’est du dépaysement!!!

    Tout ça pour dire, qu’il y a 2 canada, bien distinct, et 1 seul PVT…

    1. Je te rejoins sur le double Canada: on a beau dire mais le Québec est vraiment différent du reste du pays.

      Par contre, je ne suis pas d’accord sur le « côté touristique et culturel »: on peut vivre une très belle expérience en milieu francophone et découvrir beaucoup de nouvelles choses 🙂

  5. Comme quoi Edwige, tu as raison, ta question laisse paraitre que tes idees sont vraiment mais vraiment bien arrétées. En effet pour dire que le Quebec est un pays francophone et de ce fait il n’existe pas de culture differente entre la France et le Quebec, c’est vraiment entretenir la reflexion des Quebecois et leur fameuse expression de « Maudit Francais ». As tu visité le Quebec? As tu visité Montreal? Tu te rendras compte qu’a part la langue rien ne rapproche la culture Francaise et la Culture Nord Americaine, meme si le Quebec reste tres specifique au reste du Canada…

    Enfin tu as raison, je pense tout comme toi que la plupart des PVTistes visent le Quebec avant de viser d’autres provinces. Mais peut etre que l’explication se trouve tout simplement dans la facilité du Francais à communiquer dans la langue de Molière

    Bien à toi

    1. « Mais peut etre que l’explication se trouve tout simplement dans la facilité du Francais à communiquer dans la langue de Molière »

      Salut à toi !

      Que penses-tu que l’on devrait faire pour remédier à ça ?

  6. Pour avoir visité Québec, Montréal et une bonne partie de l’est canadien, je sais que la culture est qq peu différente de la notre (France). Petit amalgame entre pays francophone et diversité culturelle dans mes propos, autant pour moi.

    En fait, c’était plus pour pointer du doigt cette volonté de s’établir à Québec ou Montréal sans chercher à aller voir ailleurs. (et pour avoir échangé avec pas mal de pvtisites passés ou a venir, c’est quand même pas mal marqué!)

    Je vais encore faire grincheuse avec mes idées arrêtées ^^ mais ne pas chercher à expérimenter la barrière de la langue au cours d’un PVT c’est je pense passer à côté de quelque chose.
    J’ai du mal avec ce côté « statique » dans un pays francophone qui plus est…

    Ca ne reste que mon avis, mais à la base, (et dans sa définition même que nous à rappelé Hyacinthe) le PVT, c’est découverte, nouveauté, Par extension, un road trip (sujet à débat précédent!). Ce n’est pas je me pose, je prend un appart, je trouve du travail… dans ce cas là, c’est pas le même visa!!
    Quand il n’y a pas de quota en sois, les gens sont libres de vivre comme ils le veulent mais avec des quotas, il vaut mieux bien cadrer ses choix!

    Pour en revenir au sujet de cette ruée vers le PVT canadien… Le côté « 2 pays », 1 visa c’était une piste de réflexion en plus des autres cités, il existe 6 autres PVT, pourquoi une telle ruée vers le Québec, si ce n’est la « facilité » comme tu le dit!

    Je n’ai jamais trop expérimenté cette expression de « maudit français » au Québec mais il serait intéressant de comprendre le pourquoi du comment pour y remédier non?
    Parce que quand même, on a pas forcément une bonne réputation à l’étranger.. et ça m’embête, mes idées arrêtées et moi même! 🙂

  7. Il n’y a pas de ruée plus forte sur le PVT Canada que sur les autres. C’est juste que comme les autres (NZ et Oz en particulier) ne sont pas soumis à quotas, on en parle pas.
    Il y a chaque année entre 15 000 et 20 000 jeunes français qui font un WHV en Australie et plus de 10 000 en NZ.
    Il n’y a donc pas plus de ruée vers le Québec que vers l’Australie ou la Nouvelle-Zélande.

  8. Merci Mumu pour cette précision que je trouve très pertinente.

    Je suis toujours stupéfaite de voir le Québec rabaissé parce que francophone, et amoindrir l’expérience de beaucoup de personnes qui y tentent l’aventure. Mais en effet ça rejoint aussi le débat sur le jugement de avec ou sans roadtrip, le jugement de valeur qui hélas démontre selon moi qu’on peut voyager et revenir sans avoir acquis la base : ne pas juger, observer, et chercher à comprendre.

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