Across the USA

En 2009, au crépuscule de mon année de PVT canadien, j’ai réalisé l’un de mes fantasmes: traverser les USA, ces fameux États-Unis d’Amérique, d’ouest en est, en hiver et en une semaine. A cette époque, nulle question de #TeamGivrés, de Twitter, de Facebook ou d’une quelconque médiatisation d’un voyage: tout était centré sur le plaisir immédiat, sur la saisie des opportunités et sur la possibilité – ou non – de pouvoir mener icelles à bien. D’un coup de tête associé au besoin impératif de Virginie (alias PPDO pour Pas peur des Ours) d’être à Montréal pour récupérer un avion, est née cette aventure qui reste, aujourd’hui encore, l’un de mes plus beaux et précieux souvenirs d’Amérique du Nord.

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– Across the USA –
Instantanés voyageurs

4372 kilomètres pour 9 Etats traversés et 1 pleine semaine à rouler, flirtant avec les limites, toujours plus droit, toujours plus loin, jamais plus vite. Les Highways américaines ont ceci de merveilleux qu’elles remplissent à merveille leur rôle: amener les véhicules là où ils le souhaitent, sans fioritures, détours ou autre blagues de mauvais goût. Ainsi, il suffit d’une voiture, d’une carte et d’un peu de temps pour voir se concrétiser, devant soi, un rêve inavoué. Les miles défilent, encore et encore, s’enchainent et s’accumulent jusqu’à former un nombre abstrait, simple témoin d’une distance traversée, vaincue, soumise.

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Dans mes souvenirs, ces routes sont d’une rectitude infinie. Peu de courbes, pas de virages ni tellement de dénivellations. L’œil est solidement ancré sur le paysage, le cruise control enclenché et le reste n’est plus qu’une douce et lente habitude qui, peu à peu, s’instaure. Je me rappelle de longues heures de silence, sans gêne ni honte, à simplement profiter du plaisir d’être là, à naviguer parmi ces États aux noms légendaires, enneigés et verglacés: Washington, Idaho ou encore Montana. A d’autres moments, ce furent des longues et animées discussions. Débats, interrogations, querelles amicales sur les souvenirs, le vécu: de Montréal à Whitehorse, de Whitehorse à Vancouver, de Vancouver à…

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Les nuits, lorsqu’on décide de pas s’arrêter se ressemblent presque toujours. Des flashs de lumière le long de la route, des ombres dessinées au gré des voitures croisées et des oasis réparties au hasard, précieuse invitation au repos et au café. Ces stations service et autres Rest Aera sont des cocons de chaleur, des lieux où le temps semble se stopper l’espace de quelques minutes. Souvent, une musique résonne doucement dans l’air, les paroles sont feutrées, les regards fatigués et les gestes lents. C’est l’occasion rêvée de se projeter un peu plus vers l’avant, de planifier des trajets infaisables, des haltes ingérables et des rigolades pleine de tension, aussi frustratoires que libératrices.

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Parfois, au loin, se dessinent des structures, des habitations, des constructions. Pendant ces moments là, je me prends à rêver d’une autre vie. Je me questionne et me demande, intérieurement, ce que ce serait ma vie si JE vivais, si ma maison reposait au creux de cette vallée, en haut de cette montagne, au milieu de cette plaine. Je m’imagine mener une existence différente, à mille et une vitesse, à mille et une différences près. Je me souviens m’être plongé dans une langueur, une paresse quelconque et avoir plané, littéralement, au dessus des plaines du Wyoming, sur le dos d’un cheval du Dakota, sur une rivière des Rockies Moutains…

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Quand les espaces ne sont plus vierges, blancs, solitaires, quand l’hiver laisse sa place, chassé par la chaleur humaine, civilisée, c’est le signe qu’une grande ville est proche. Tout au long de nos 4792 kilomètres, nous avons croisé plusieurs de ces cités, aussi démesurées qu’attirantes, aussi castratrices que frivoles, aussi froides que belles, aussi chaudes que glacées. Chicago, Minneapolis, Toronto ne sont que des noms. Pourtant, chacun de ces noms évoquent quelque chose, se rattache à une illusion, à un vécu, à un espoir perdu ou à venir. Dans ces villes, nous ne fîmes que passer, d’une heure à une journée. Frustrés mais pressés, nous avons quand même trouvé le temps d’avoir le temps. Nous avons marché sur les bords du Lac Michigan, nous avons erré dans le downtown de Chicago et nous sommes perdus dans le Mall de Minneapolis. Démesure.

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A un moment donné, nous avons su que nous devions nous arrêter, faire un break, une sortie: Milwaukee. Une ville sans charme, sans spécialités, sans renommée. Une fourmilière grouillante de vie et d’activité, une usine à concasser les hommes, une machine à vivre. Pourtant, dans cet endroit sans charme, nous trouvâmes une faille, une lueur: l’étendue bleue du Michigan Lake, comme une porte vers ailleurs, comme une invitation subite à pénétrer ses eaux froides et à nous laisser porter par le si faible courant, vers d’autres rives, vers d’autres…

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Le voyage a touché à sa fin quand nous sommes arrivés aux Niagara Falls. Dans ce temple vénéré du tourisme, nous n’étions pas seuls, en dépit des conditions atmosphériques délirantes, gueulantes, blafardes et agressives. Le blizzard et la tempête soufflait sans répit et envoyait – nous en fûmes témoins ! – valser les voitures comme des fétus de paille. Les roues n’accrochait plus rien et s’aurait été folie pure que de continuer plus loin. Nous cédâmes donc aux Sirènes des bateaux et de la Renommée, histoire d’aller admirer ces chutes tant vantées.

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L’entrée sur le sol canadien et les dernières nuits entre Montréal, Québec et le Mont Tremblant ne sont plus, là et maintenant, qu’anecdotes. Nous passâmes le réveillon à boire des bières et à manger des Nachos. Nous dormîmes dans l’Aerostar, sur un parking, comme tant d’autres fois. Alors que rien n’était vraiment fini, la Nostalgie pointant déjà le bout de son nez, frappant délicatement à la porte, s’invitant déjà, langoureusement, en nous. Dans nos têtes se déversaient les souvenirs d’une année passée à l’étranger, d’une expatriation d’un an, de moments chéris à jamais, de difficultés vaincues et de promesses à tenir. Nous laissions, en totale connaissance de cause, quelque chose de précieux, de fragile, de délicat.

Et c’est ce quelque chose que j’espère vous avoir fait partager: la simple beauté d’un Voyage.